Barack Obama devient officiellement aujourd'hui le président des Etats-Unis. Finie donc la réserve liée au statut de président élu que lui mettait en avant et aussi la précaution oratoire à laquelle il s'astreignait, certainement pour se donner le temps de la réflexion. Et lui, il en a même abusé dans des situations d'urgence. Il assurait quand même une présence, sans plus. Sa prestation de serment aujourd'hui dans tout juste quelques heures ne constitue pas uniquement un changement de personnel à la Maison-Blanche, mais en principe des changements que personne, à vrai dire, n'oserait quantifier ou énumérer. Barack Obama succède à un président dont la cote de popularité n'a jamais été aussi basse. Mauvais pour l'Amérique, ne cessait-on de dire durant l'été dernier, mais tout compte fait, l'Amérique a fait un grand bond en avant en soldant son passé et en optant résolument pour le changement, même s'il faut se garder de tout optimisme démesuré, comme ces jeunes qui fêtaient la victoire d'Obama et revendiquaient une véritable révolution. Quelques semaines auparavant, le candidat républicain John Mc Cain disait d'Obama qu'il était un bon Américain. « Change we can », disait-il, avant que ce slogan ne devienne le 4 novembre dernier, jour de l'élection présidentielle, « Yes we did ». Il fallait voir ce soir-là, surtout dans sa ville, Chicago, l'Amérique venir saluer son héros. Son rêve et celui de tous ses fans s'est donc accompli, mais est-ce une fin ? Sûrement pas pour une Amérique qui revendique le changement et qui l'a fait savoir à celui qui en a fait son programme. Trois mots pour attirer vers lui des dizaines de millions d'Américains. C'est peu comme programme, mais suffisant pour attirer l'attention du monde entier. Non seulement parce que l'Amérique venait d'élire le premier Président noir de son histoire et que celui-ci proposait le changement que l'on souhaite jusque dans la politique étrangère des Etats-Unis. Une espèce de rupture avec un monde fait de guerres, de disparités et d'injustice et dans lequel l'Amérique, relèvent nombre d'analystes, n'était pas toujours du bon côté. Jusqu'aux agriculteurs africains ruinés par les subventions américaines. Il reste que le changement tant clamé par Obama revêt plusieurs significations. Certains des partenaires des Etats-Unis comptent sur lui pour mettre fin à la crise financière et économique. Et il doit en savoir quelque chose, lui qui est désormais attentif aux chiffres du chômage plus qu'à ceux de la croissance pour la simple raison qu'il n'y en a pas. On se rappelle comment il a dû improviser une conférence de presse tout juste quarante-huit heures après son élection. Les chiffres du chômage révélaient que l'Amérique perdait des milliers d'emplois chaque mois. Ou encore quelques millions durant l'année écoulée. Il n'est donc pas étonnant que sur son chemin pour Washington, il se soit arrêté dans l'Ohio pour discuter avec des travailleurs américains de son futur plan de relance de l'économie, destiné à sauver ou à créer 3 à 4 millions d'emplois. « Si rien n'est fait et que nous poursuivons sur la voie actuelle, cette récession pourrait persister des années », a dit M. Obama. « L'Amérique pourrait perdre sa compétitivité qui a servi de fondement à notre force et à notre positionnement dans le monde », a-t-il ajouté. « Il n'est pas trop tard pour changer de direction - mais seulement si nous prenons des mesures spectaculaires dès que possible », a ajouté M. Obama affirmant que son premier objectif serait de remettre l'Amérique au travail. Cela semble bien simple pour Barack Obama, qui a déclaré que le président sortant George W. Bush était un « homme bien », mais qui laissait les Etats-Unis empêtrés dans de « mauvais choix ». « Je crois que c'est un homme bien qui aime sa famille et son pays et je pense qu'il a pris les meilleures décisions qu'il a pu dans des circonstances très difficiles », a dit M. Obama. Mais « au cours des dernières années, nous avons fait une série de mauvais choix et nous allons maintenant hériter des conséquences de ces mauvais choix », a-t-il ajouté. Effectivement, l'économie américaine fait face à sa pire crise depuis celle de 1929, avec en prime un déficit budgétaire qui pourrait dépasser 1000 milliards de dollars en 2009. Des formules choc, mais assassines ; mais lui que fera-t-il en fin de compte ? Par ces temps de crise, la question se pose d'elle-même et cela d'autant que les analystes se montrent pessimistes sur l'avenir des Etats-Unis en tant que première puissance mondiale. L'un d'entre eux, devenu célèbre, va jusqu'à dire que l'Occident dans son ensemble ne sera plus dominant d'ici les deux prochaines décennies. C'est-à-dire dans peu de temps. Et il est des appels que l'Amérique ne doit pas ignorer. Comme celui que vient de lancer le chef de l'Etat brésilien demandant aux Etats-Unis « d'entretenir des relations d'égalité avec l'Amérique latine ». Le président brésilien a salué la démarche de ses homologues vénézuélien et bolivien, respectivement Hugo Chavez et Evo Morales, consistant à « nouer des contacts avec Barack Obama en vue d'améliorer les relations avec les Etats-Unis ». M. Lula a également appelé les Etats-Unis à lever son embargo économique imposé à Cuba depuis près d'un demi-siècle. « Ces dernières années, l'Amérique latine est devenue plus attentive envers sa population, qui vit dans la pauvreté, et envers la vie démocratique. Elle doit être perçue sous la perspective du développement et des investissements et non plus avec des préjugés », a par ailleurs estimé le président brésilien. C'est le genre de message qui est adressé aux Etats-Unis. Moins d'arrogance et plus de justice. Exactement ce que disaient les partisans de Barack Obama au soir de sa victoire, excédés par l'image de leur pays à l'étranger. Cela fait beaucoup pour un nouveau chef d'Etat, mais la réalité est bien ce qu'elle est, c'est-à-dire implacable. Barack Obama a pris des engagements. Une fois élu, il n'a pas cessé de rappeler ses priorités. Ou encore qu'il a dit à l'Amérique, durement frappée par la récession, ce qu'elle voulait entendre. Cependant, même si, dès le 7 novembre, il a appelé ses compatriotes à faire preuve de patience - un mandat pourrait ne pas suffire, avait-il dit alors -, il sait que le temps presse et que lui-même n'en aura jamais suffisamment. Dès son élection, les observateurs américains disaient de lui qu'il avait tout juste cent jours pour redonner confiance. Le reste suivra. Une logique bien américaine, basée justement sur la puissance américaine. Lui-même l'avait dit. Son mandat commence ce soir et avec lui une espèce de compte à rebours. Une course contre la montre.