«Historique!», c'est le terme utilisé hier par analystes et observateurs pour qualifier la victoire électorale du candidat démocrate. Et pour cause! Un Noir à la Maison-Blanche! Voilà un rêve que même le «rêve américain» n'a pas intégré dans ses espoirs. Il est bien évident que l'arrivée d'un métis à la tête de la plus puissante nation dans le monde que sont les Etats-Unis, outre d'être une première, constitue pour ce pays un véritable bouleversement sociologique. Il y a à peine quarante ans, émettre l'éventualité de l'arrivée à la tête de la Fédération, d'un Noir, ou d'un tout autre représentant de ce que l'on appelle ici les minorités ethniques (outre les Noirs, les Hispaniques, les Asiatiques et les Amérindiens), aurait été considéré comme une absurdité. Aussi, l'élection de Barack Husseïn Obama, à la présidence de la première puissance mondiale, représente aujourd'hui une mutation profonde dans la mentalité américaine et une rupture, selon toute évidence décisive, des rapports jusqu'alors fondés sur la race. C'est sans doute cet aspect de l'évolution du peuple américain qui a été le moins relevé. Le fait est que la génération post-Seconde Guerre mondiale, de laquelle fait partie le président élu américain, (Obama est né en 1961, époque où la ségrégation raciale était au summum de son incohérence), se reconnaît totalement dans le sénateur de l'Illinois qui partage avec elle les mêmes espoirs, les mêmes idéaux, comme le même amour de la technologie. C'est un peu la «génération» Internet qui transcende les différences raciales et culturelles. Ce que ni McCain ni Bush n'ont compris, même si le président sortant a investi à des postes importants des Noirs, mais des Noirs isolés dans le système. En revanche, Barack Obama se retrouve comme un poisson dans l'eau avec sa génération et surtout une jeunesse qui a parfaitement compris le message du candidat démocrate. Aussi, on peut estimer que la race a joué un rôle minime dans cette quarante-quatrième consultation électorale pour la présidentielle. Aussi, «historique» cette élection l'est sans aucun doute, en référence à la race et la couleur de l'élu, elle est cependant tout à fait logique du point de vue politique. En effet, M.Obama est parfaitement en osmose avec une population, majoritairement jeune - où l'ethnie n'a plus l'importance qu'elle pouvait charrier lors de la seconde moitié du siècle passé - qui trouve en lui ce rassembleur que n'a pas été, ou pu être, le président sortant, en sus du fait que cette jeunesse refuse la guerre et veut profiter de la vie. En fait, Barack Obama représente l'archétype de l'Américain d'aujourd'hui, ce que n'est manifestement pas, ou plus, John McCain qui, à 71 ans, est surtout vu comme quelqu'un de ringard. Aussi, cette victoire du candidat démocrate exprime d'abord cet immense besoin de changement qu'ont les citoyens américains. L'un dans l'autre, la victoire de M.Obama s'explique autant par ce besoin de changement que par le rejet d'une politique qui a engagé les Etats-Unis dans des guerres dont les Américains sont nombreux à estimer qu'elles ne sont pas les leurs. De fait, la victoire du sénateur de l'Illinois peut s'analyser sous deux angles: celui de l'arrivée d'un Noir à la magistrature suprême du pays, d'une part, ce que va faire le président élu du difficile héritage que lui lègue George W.Bush, d'autre part. Comme on l'a vu, si effectivement l'élection de Barack Husseïn Obama est historique, elle reste tout à fait logique dans la société qui est celle de l'Amérique d'aujourd'hui. Aussi, le président élu sera-t-il en fait attendu sur les complexes dossiers du nucléaire (notamment iranien), de la lutte contre le terrorisme - chère à son prédécesseur - les guerres en Irak et en Afghanistan, déclenchée idem par M.Bush-Junior, outre la manière dont M.Obama va faire face à la question du Proche-Orient et la création de l'Etat palestinien. Nonobstant ces points chauds, auxquels devront être apportées rapidement des réponses, le président élu aura également à résoudre une crise financière mondiale qui menace la stabilité internationale, de même que parer à la récession qui guette les Etats-Unis. En politique étrangère, l'administration américaine, (quelle que soit sa couleur politique entre démocrates et républicains) est régie par une tendance lourde qui fait que souvent, c'est le style et les capacités du président à prendre en charge le problème qui font la différence. Maintenant la question qui se pose est de savoir de quelle marge de manoeuvre dispose le président élu et ses capacités de résistance face à l'establishment de Washington DC. Aussi, la position qui sera celle du président Obama face aux questions du nucléaire iranien - il y a toujours cet inquiétant bruit de bottes venant des rives du Potomac - et sur le dossier israélo-palestinien, renseignera sur l'autonomie de l'encore sénateur de l'Illinois dans les grands dossiers auxquels il sera rapidement confronté dès son installation à la Maison-Blanche, le 20 janvier prochain.