Nécessité n Ils ont travaillé durant de longues années, fondé des foyers, élevé des enfants. Aujourd'hui, ils se retrouvent sans ressources et contraints d'exercer de petits métiers pour survivre. Ayant travaillé, durant de longues années, chez des particuliers, ces personnes âgées n'ont plus les moyens de passer décemment ce qui leur reste à vivre. Si, avant, les enfants étaient tenus de prendre en charge leurs parents en les hébergeant et en leur procurant tout ce dont ils avaient besoin, ce n'est plus le cas à présent. Pis, les jeunes sont insensibles en voyant leurs parents souffrir afin de s'assurer une baguette de pain et un sachet de lait. Si certains se voilent la face devant les autres en niant le lien de parenté avec ces vieux, souvent vendeurs à la sauvette, d'autres, en revanche, assument, sans scrupules, le rôle de clients. Ces derniers n'osent même pas glisser aux vieux un pourboire, comme le font d'autres. Exercer un petit métier, notamment la vente à la sauvette, constitue un moyen de préserver sa dignité. Sur les trottoirs, dans les marchés publics et même ambulants, ces vieux refusent de tendre la main tant que leurs jambes peuvent les porter. Même si les bras sont aujourd'hui frêles et l'échine voûtée, ils ne cèdent pas aux outrages du temps. Dans les marchés, notamment informels, ils exposent de petits articles tels que les sous-vêtements, les stylos, les mouchoirs, etc. Bien que leur marge de bénéfice soit insignifiante, ils s'assurent, en écoulant quotidiennement plusieurs articles, de quoi survivre. «Khobza ou chekara h'lib tek fini» (une baguette de pain et un sachet de lait me suffisent), souligne avec fierté un homme d'un âge certain derrière sa table de cigarette à la Place des Martyrs. Il faut dire aussi qu'un nombre important de citoyens préfèrent acheter auprès de ces vieux vendeurs pour les aider à survivre, allant jusqu'à leur accorder des pourboires. «J'achète quotidiennement des mouchoirs en papier auprès de cet homme, même s'ils sont disponibles partout. C'est ma manière de le soutenir. Parfois, j''en achète, même si je n'en ai pas besoin. Je suis surpris par l'attitude de ce vieux qui tient à préserver son amour-propre», témoigne une jeune fille, cliente d'un vieux vendeur de mouchoirs à l'entrée de l'ecole supérieure de commerce, à Alger. De par leur humour et leur sagesse, ces «anciens» ont réussi à gagner la sympathie de beaucoup de citoyens, notamment les jeunes. Malheureusement, pas celle de leur propre progéniture. Ce nouveau phénomène dans notre société atteste d'un chamboulement de l'échelle des valeurs. Auparavant, les vieux étaient «protégés» par leurs enfants qui avaient honte de les voir travailler ou mendier. Même ceux qui n'avaient pas d'enfants étaient pris en charge par leurs neveux, sinon par les voisins. Notre culture, notre religion et nos traditions enseignent le respect et la bienfaisance à l'égard des parents et des nécessiteux. Ces valeurs sont malheureusement peu suivies ces dernières années et l'individualisme est devenu un mode de vie.