Nécessité n Ce «métier» est perçu comme une bouée de sauvetage par des chômeurs ou des employés qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts en raison de la cherté de la vie. Des milliers de citoyens à travers le territoire national gagnent leur vie grâce au transport clandestin de voyageurs. De jeunes diplômés des universités sans emploi, des chômeurs n'ayant pour diplôme que le permis de conduire, des employés dans des administrations publiques, des enseignants…. ont trouvé dans cette «profession», supplémentaire pour certains et principale pour d'autres, un moyen de sauvegarder leur dignité. «Au lieu d'aller me reposer après une journée épuisante, je suis contraint d'opter pour le transport des voyageurs. Je rentre chez moi le plus souvent à 22 heures et parfois à minuit. Allah ghaleb, c'est la cherté de la vie qui nous a infligé ce châtiment», témoigne Ali, la quarantaine, enseignant de physique dans un lycée à Kouba. Il estime qu'il vaut mieux pratiquer une activité supplémentaire que d'aller solliciter des prêts auprès des amis ou demander aux commerçants de lui vendre à crédit. «J'ai cinq enfants scolarisés, ma femme ne travaille pas, je dois m'acquitter des frais du loyer à chaque fin de mois, l'électricité, le gaz, les soins….. et la liste est encore longue. Si je me contentais de mon maigre salaire, j'aurais été submergé de dettes», explique notre interlocuteur qui reconnaît, tout de même, que son rendement pédagogique connaît une nette régression en raison du surmenage. Ali n'est qu'un exemple parmi les milliers de fonctionnaires à sacrifier leur repos pour gagner d'autres sommes d'argent, parfois insignifiantes selon les concernés, nécessaires pour préserver leur dignité. Les «fraudeurs» que nous avons interrogés, à cet effet, sont unanimes à dire que le transport clandestin des voyageurs n'est pas un choix, mais plutôt une nécessité imposée par leur situation socio-économique. Pour les chômeurs, ce métier constitue la seule voie de salut. Après de longues années de travail informel (principalement le commerce), ils ont acquis des voitures qui leur permettent de gagner leur vie à travers le transport des voyageurs. C'est le cas de Saïd, âgé de 32 ans et diplômé en sciences de l'information et de la communication depuis 10 ans. Après avoir échoué dans toutes ses tentatives pour décrocher un emploi stable et rentable, il a exercé le commerce informel durant plus de cinq ans, ce qui lui a permis d'acheter un véhicule en bon état. «Je vendais des vêtements à la place des Martyrs. J'ai longuement souffert du matraquage de la police, mais j'ai patienté jusqu'à pouvoir amasser la somme nécessaire pour l'achat d'une voiture d'occasion. Et depuis près de quatre ans, je gagne ma vie grâce au transport. Je gagne beaucoup plus que les employés et je compte amasser une certaine somme d'argent pour me permettre d'ouvrir un commerce», témoigne ce jeune clandestin rencontré à la sortie de l'hôpital de Beni Messous. Les jeunes clandestins sont conscients des risques de leur «métier», leur non-déclaration à la sécurité sociale et la précarité de leur situation, mais affirment que cela constitue la seule manière «honnête» pour survivre….