Résumé de la 4e partie n Contre l'avis de son père, Ali s'engage dans l'armée française. Kassi, se retrouvant seul, reprend les vieilles habitudes de ses coreligionnaires... On n'aurait pu reconnaître le pimpant turco de jadis dans cet être pâle, au regard ascétique, traînant ses sandales et laissant tomber en loques sa gandoura. Le vieux sang berbère, le sang de cette race plus immobile que la race jaune et que rien n'a pu transformer jusqu'ici, réapparaissait sous le vernis de la civilisation acquis au régiment et, comme dans toutes les réactions, il y eut exagération : Kassi redevint plus fanatique, plus routinier qu'aucun Kabyle. Sa gaieté, sa vivacité, son scepticisme étaient partis avec son fils. On était en 1870 et des bruits de guerre se répandaient dans les tribus : Kassi se rendit à Dellys et apprit que son fils partait parmi les premiers avec son régiment. Le père n'eut aucune faiblesse ; il engagea son fils à faire son devoir : l'esprit de corps, l'amour du drapeau avaient repris le vétéran en revoyant ses camarades joyeux des batailles prochaines. Il espérait que son fils lui reviendrait sain et sauf, couvert de gloire, mais corrigé par les misères d'une campagne après n'avoir fait qu'une bouchée de ces Prussiens. Qu'est-ce que c'était cette race-là ? D'où sortait-elle ? Quelle présomption de vouloir se mesurer aux vainqueurs de l'Alma, de Solférino et du Mexique Le vieux s'emballait maintenant et ressassait devant les jeunes ses histoires de guerre, attablé devant d'immenses verrées d'absinthe presque pure. Ah ! si son bras n'était pas resté là-bas, de l'autre côté de la grande mer, comme il serait parti avec son fils pour le piloter en campagne et le protéger Les «bleus» auraient pu voir la façon d'embrocher proprement un homme ! Il recommandait surtout de ne pas rester à tirailler, il fallait courir net à l'ennemi, en bondissant, pour passer à travers les balles et le clouer d'un bon coup droit dans le ventre en poussant le cri de guerre. C'était là toute sa tactique bête de héros et ce fut malheureusement celle de l'armée française. Les turcos s'embarquèrent, et Kassi, après avoir suivi son fils jusque sur le paquebot, revint à Fort-Napoléon et s'y installa chez un ami, pour être plus près des nouvelles. Elles furent bonnes d'abord : les Français marchaient en avant, puis tout d'un coup, l'annonce de nos premiers désastres survint en plein épanouissement de la joie populaire pour d'illusoires succès. Kassi pleura d'abord son drapeau tombé, mais se consola bien vite en recevant une lettre d'un camarade de son fils pris par les Prussiens et qui s'était évadé. Ali avait donné avec les autres à Wissembourg. Trois fois, un contre dix, les turcos avaient fait plier l'ennemi ; dans un premier assaut, ils entrèrent, comme la cognée dans un tronc de frêne, au milieu de la tourbe noirâtre des Prussiens. Mais nul n'en était revenu, tous étaient glorieusement tombés. (à suivre...)