Coucou ! Me revoilà ! Avant même qu'il eût le temps de refermer la porte, elle bondit, l'enlaça et le couvrit de baisers. Elle avait une bonne tête de moins que lui, mais était presque aussi forte, et de vingt ans plus jeune. Cette petite fille d'un fermier de l'Ohio devait ses membres minces et musclés à une douzaine d'étés passés à aider son grand-père à la tâche. Elle l'avait déjà à moitié déshabillé lorsqu'il se rendit compte qu'il avait encore en main le Los Angeles Times qu'il était sorti acheter. II laissa tomber le journal, libérant ses mains. Plus tard, il s'assoupit. Pendant ce temps, elle commanda le petit déjeuner, renvoya le jeune serveur hispanique avec un généreux pourboire et transporta le chariot dans la chambre. Quel plaisir de pouvoir enfin s'offrir le superflu ! Avant de rencontrer Peter, elle avait toujours été au sou près. Pas de doute, épouser un homme ayant gagné assez d'argent grâce à ses magasins d'appareils photo pour se permettre de prendre sa retraite à quarante et quelques années, cela présentait des avantages certains. L'argent ne constituerait pas un motif de discorde, et Peter ne serait pas retenu tard au travail les soirs où elle aurait envie d'un dîner aux chandelles. Ou du moins, c'est ce qu'elle s'imaginait, vu qu'elle connaissait à vrai dire très peu l'homme qu'elle avait épousé vingt-quatre non, vingt-cinq heures plus tôt. Prenait-il seulement un petit déjeuner ? Et si oui, quels étaient ses goûts en la matière ? Mais il dormait si profondément qu'elle n'avait pas voulu le déranger. C'était un bel homme, même si son physique n'avait rien de remarquable. Il perdait un peu ses cheveux bruns au niveau des tempes, mais ça lui allait plutôt bien. Il était visiblement soucieux de sa forme – il n'avait ni biceps impressionnants ni abdominaux en plaque de chocolat, mais pas non plus le moindre bourrelet. Les vêtements, qu'il portait étaient discrets, mais choisis avec goût. Il faudrait tout de même qu'elle fasse quelque chose au sujet de ses chemises blanches trop strictes et de ses cravates unies. Ses copines avaient poliment fait comprendre à Laurie qu'elles le trouvaient terne. En effet, il n'attirait guère les regards féminins lorsqu'il entrait dans une salle pleine de monde. Tel avait été le cas, en revanche, du père de Laurie, qui était par ailleurs incapable de résister à la tentation. D'où le divorce de ses parents. Laurie avait eu très jeune sa dose d'hommes fascinants. La vie avec Peter promettait d'être sans surprise. Aux yeux de son épouse, cela constituait un attrait supplémentaire. Elle le réveilla en s'étendant sur lui de tout son long et en lui embrassant les paupières. Il sourit puis aperçut le chariot du petit déjeuner et décréta qu'il était affamé. Assise en face de lui, dans son nouveau déshabillé en satin bleu pastel, elle buvait son café à petites gorgées en le regardant enfourner son steak et ses œufs brouillés. Elle songeait qu'il lui faudrait bientôt découvrir ce qu'il prenait habituellement pour le petit déjeuner. En tant qu'enfant de divorcés, elle n'ignorait pas que les petits détails apparemment sans importance sont en réalité essentiels et qu'ils suffisent, pour peu qu'on les néglige, à miner un mariage. (à suivre...)