Résumé de la 3 e partie n L'araignée se fait encore avoir par le corbeau qui lui prend les huit poissons de sa première pêche... Le corbeau prit les poissons et les mit à cuire au four. Il s'en fit un foutou d'empereur qu'il eut peine à terminer. Le lendemain, dans les nasses, il y avait bel et bien seize poissons. Mais ils s'étaient tant trémoussés, tant débattus, tant démenés, que les nasses avaient triste mine. Le corbeau dit à l'araignée : — Anansé, regarde-moi ça. Ces pauvres nasses ont piètre allure. Elles ne prendront plus un seul poisson... Mais je parierais que sur le marché il se trouverait encore un imbécile pour les acheter. Prends ces poissons, laisse-moi les nasses. Je me fais fort d'en tirer bon prix. L'araignée faillit se fâcher. — Hors de question, mon cher Corbeau. Les poissons, c'est toi qui les prends. Tu en feras ce que tu voudras, mais moi je vais vendre ces nasses et le magot que j'en tirerai sera pour moi. Le corbeau prit les seize poissons, l'araignée ce qu'il restait des nasses, et tous deux se rendirent au village voisin, un peu plus loin dans les terres. Là, ils s'installèrent sur la place du marché. Le corbeau n'avait pas plus tôt étalé ses poissons tout frais, qu'une nuée d'acheteurs se pressait alentour. En un clin d'œil il eut tout vendu. Il aurait eu trente-deux poissons qu'il les aurait vendus tout pareil. Ou soixante-quatre, ou même cent vingt-huit. Mais peu lui importait. Sa bourse était pleine, il était content. Ses clients dispersés, le corbeau retrouva l'araignée, toujours accroupie seule dans son coin, avec ses deux nasses à vendre. Il alla lui porter conseil : — Mais ne reste pas plantée comme ça ! Promène-toi avec ta marchandise. Fais voir aux gens tes belles nasses patinées. Crie bien fort que tu veux les vendre, qu'elles vau-draient une fortune chez un antiquaire ! Allez, un peu de publicité, quoi, fait entendre ta voix ! L'araignée sauta sur ses pieds et cria, tout émoustillée : — Qui veut des nasses, un vrai trésor ? Antiques et belles et tout usées, La fine fleur des beaux objets ? Je les cède contre leur poids d'or ? Le chef du village, à ces mots, manqua de s'étrangler. Qui osait lancer pareilles sottises sur sa grand-place ? Qui prenait les siens pour des imbéciles ? Il appela ses gardes : — Dites, d'où sort-il, j'aimerais le savoir, l'énergumène que j'entends là ? Qu'on me l'amène immédiatement. L'araignée ne se fit pas prier. Déjà elle calculait combien d'or ou de riches coquillages elle allait retirer de cette vente. Mais la grosse voix du chef l'arracha à son rêve : — Holà, toi ! Dis voir un peu ! Où te crois-tu ? Au royaume des imbéciles ? L'araignée se mit à trembler. — Ton ami Corbeau est venu nous vendre du poisson splendide, et il en a tiré bon prix. Tu étais à côté, tu aurais dû comprendre : nous ne sommes pas fous, ici. Ni les uns ni les autres. Et toi tu voudrais nous refiler, ou plutôt vendre à prix d'or, tes deux nasses déglinguées qui ne valent pas un grain de mil ? Le chef était si furieux qu'il appela ses hommes : — Qu'on lui donne le fouet ! L'araignée voulut fuir, mais elle se prit les pattes dans ce qu'il restait de ses nasses. Plus elle se débattait, plus elle s'entortillait dans ce fatras. Elle était prise à son propre piège. Et les coups pleuvaient, et Anansé pleu-rait : — Pui-pui, pui-pui ! Pitié ! C'est bientôt fini, je vous prie ? De grosses larmes de douleur perlaient aux yeux de l'araignée. Des larmes de douleur, mais des larmes de honte aussi : elle venait de comprendre, un peu tard, qu'à vouloir berner son prochain on finit toujours par se berner soi-même. Et voilà, mon conte est fini. Drôle ou triste, sage ou leste, prenez-en ce qui vous plaît et laissez-moi remporter le reste.