InfoSoir : Comment définir cette maladie le plus simplement possible ? Le Pr Abada Bendib Meriem : La maladie d'Alzheimer, c'est le déclin. Quand quelqu'un est atteint, cela crée des conflits. Le malade a, au début, un comportement normal sans aucune démence. Il raisonne normalement et physiquement il est bien. Les parents des malades n'acceptent pas cette maladie qui entraîne une déchéance intellectuelle chez quelqu'un qui perd ses facultés intellectuelles et son savoir-faire Parlez-nous du service de consultions mémoire Nous avons commencé à avoir régulièrement quelques malades depuis l'année 2000, atteints de l'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Au fur et à mesure, à partir de 2003, il y a eu une demande accrue pour ce genre de consultation et c'est ainsi qu'il a été décidé, en 2004, d'ouvrir des services de consultations mémoire aux CHU de Bab El-Oued et Mustapha-Pacha. Entre 2005 et 2006, nous étions obligés de programmer 2 jours de consultation – mémoire multidisciplinaire qui implique les neurologues, psychologues, biologistes du comportement et autres car nous recevons le malade et la personne qui le prend en charge. Comment se fait le diagnostic ? Les troubles psychocomportementaux de la maladie d'Alzheimer sont dus à des lésions organiques. Cela reste une maladie rare chez nous ; nous avons une population jeune. Il faut savoir que le diagnostic de cette maladie se fait par un neurologue dans une consultation spécialisée pour la mémoire. Nous avons également besoin du psychiatre car c'est une maladie qui donne des troubles du comportement. Les malades viennent consulter pour les troubles du comportement qui dérangent dans la famille. Mais quand il s'agit de troubles de la mémoire, ils ne consultent pas et disent que ce n'est pas grave. Ce qui cause le retard du diagnostic faute d'information du public et des médecins aussi. Moi, personnellement, je ne la connaissais pas aussi bien que maintenant… Le diagnostic précoce est nécessaire pour préparer et gérer l'avenir de la famille et du malade, pour prendre en charge le malade, lui donner précocement un traitement symptomatique qui ne guérit pas pour le moment, mais il faut espérer que la science y arrivera... Les malades sont-ils conscients de leur maladie ? Les malades en général ne sont pas conscients de leur maladie, car ils viennent quand il est déjà trop tard. Pour ceux qui viennent tôt, il est difficile de la leur annoncer. On le fait par étape car on ne peut le faire d'emblée. J'ai dans ma consultation 2 ou 3 personnes qui ont accepté la maladie et la gèrent. Ce sont des gens cultivés. Nous ne le disons pas immédiatement, mais nous sommes obligés de le faire. Le malade qui garde encore ses capacités de jugement et de raisonnement peut gérer ses affaires et c'est bien qu'il sache à l'avance qu'il va, au bout de 3 ou 4 ans, perdre toutes ses facultés. Mais nous ne pouvons prévoir avec exactitude à quel rythme la maladie évoluera... Avez-vous un appel à lancer ? Je lance un appel aux pouvoirs publics. L'Algérie est un pays de jeunes et la catégorie des plus de 60 ans représente 6% de la population. Mais le pays se dirige vers l'augmentation de l'espérance de vie qui est actuellement de 74 ans, et la prévalence de la maladie va augmenter car le premier facteur de risque de la maladie d'Alzheimer est l'âge. Il faut commencer à penser dès aujourd'hui à faire face à cette réalité en mettant en place des structures spécialisées et opter pour une bonne planification de la prise en charge de ces malades. Ce qu'il faut d'abord c'est l'ouverture de services de consultation-mémoire de proximité dans, au moins, toutes les grandes villes du pays. * Spécialiste de la consultation mémoire au CHU de Bab El-Oued, secrétaire générale du comité scientifique de l'Alaa