Un problème de santé publique avéré, la maladie d'Alzheimer est à considérer comme un phénomène social complexe et sérieux. Le prolongement de l'espérance de vie des populations implique directement le risque de développer la maladie d'Alzheimer qui touche aujourd'hui près de 100 000 personnes en Algérie. Le chiffre n'est peut-être pas important, mais la maladie guette des milliers de personnes à l'avenir. Le nombre de cas est approximatif selon les médecins puisque aucune étude n'a été menée à ce jour pour en savoir plus sur cette maladie sachant que 2 millions de personnes sont âgées de 60 ans et plus en Algérie. Avec une espérance de vie moyenne de 72,5 ans pour les hommes et de 74,5 ans pour les femmes en Algérie, il est temps que les autorités sanitaires algériennes pensent à l'évolution future en matière d'infrastructures et de qualité de la prise en charge des malades, sachant qu'actuellement cette frange de la population est livrée à elle-même. Les estimations mondiales montrent que face à l'accroissement important de la population âgée, le nombre de malades pourrait être multiplié par 2 en 2020. Cette maladie, qui est une affection neurologique chronique causée par la diminution du nombre de cellules du cerveau et de leur connexion neuronale, doit devenir, en fait, une priorité de santé publique. Cette pathologie, considérée pas comme les autres, inquiète les spécialistes en raison de sa forte progression face à un manque considérable de moyens de prise en charge et d'accompagnement. C'est ce qui fera dire au professeur Masmoudi, chef de service de neurologie de l'hôpital Maillot à Bab El Oued à Alger : « Cette maladie posera un sérieux problème à l'avenir. Avec l'allongement de la durée de vie et de la qualité des soins, on s'attend à une augmentation significative du nombre de malades qui sont déjà près de 100 000 chez nous. Donc, il faut s'attendre à une augmentation du nombre de cas dans les années à venir. Outre l'absence de statistiques fiables, il y a les difficultés à diagnostiquer la maladie et le manque de moyens de prise en charge. Nous ne sommes pas outiller pour ce genre d'affections. » Pour lui, le rôle du médecin généraliste est très important dans le prise en charge médicale. Une formation spécifique doit être envisagée pour ces médecins afin qu'ils puissent repérer facilement les personnes qui présentent des troubles cognitifs avec des tests simples. Il est question, selon lui, du test des cinq mots explorant la mémoire verbale, le test du cadran de l'horloge pour la coordination des mouvements. « On demande au malade de dessiner une horloge avec tous les chiffres du cadran et une heure précise », explique-t-il, avant de signaler qu'il y a aussi d'autres formes de tests. Ses symptômes, poursuit-il, sont caractérisés par des pertes de mémoire sur des faits récents, une disparition des repères dans le temps (la date du jour, la saison...) et dans l'espace, des difficultés à reconnaître les objets, des troubles du langage. « C'est une maladie qui touche ce que l'homme a de plus précieux, à savoir sa pensée en tant qu'être social. Ce qui se manifestera par une perte d'autonomie et une incapacité à gérer sa vie quotidienne », dira-t-il avant de signaler que, en présence de ce types de symptômes, il est essentiel d'inciter les personnes concernées à consulter un médecin. Pour le professeur Masmoudi, plus tôt le malade consulte et le diagnostic est établi par le médecin spécialiste, plus tôt le traitement peut être engagé et retarder l'évolution de la maladie. « Il ne s'agit en rien d'un phénomène normal du vieillissement. C'est une véritable pathologie chronique à évolution progressive. Les troubles occasionnés sont dus à l'atteinte des neurones responsables de la mémoire », indique-t-il. L'entourage familial, ajoute-t-il, est le premier à être informé sur la maladie et les modalités de prise en charge, car c'est sur les proches que repose la lourde tâche. Ces proches, qui sont le conjoint, les enfants ou le compagnon, sont également à orienter et à soutenir. « Des mesures urgentes et adaptées sont alors indispensables afin de faire face à la progression de cette maladie », a-t-il signalé. Concernant les facteurs de risque, le chef de service neurologie affirme qu'il s'agit principalement du facteur âge. Interrogé sur la prise en charge médicale, le professeur Masmoudi regrette que les moyens restent encore insuffisants, voire insignifiants dans les structures hospitalières pour répondre aux besoins de ces malades et de leur famille. Il souligne qu'il y a d'une part les moyens médicamenteux, inexistants chez nous en Algérie, et non médicamenteux d'autre part. Lesquels doivent inclure la collaboration de psychologues, d'infirmiers spécialisés, d'orthophonistes pour rééduquer et stimuler le langage, de kinésithérapeutes et des assistantes sociale. Le traitement pharmacologique, signale le professeur Masmoudi, utilisé est par les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase centrale, des médicaments non disponibles en Algérie. Il déplore qu'un de ces produits est déposé au niveau du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière pour enregistrement, en vain. Les malades sont contraints d'aller acheter cette molécule à l'étranger au prix de 94 euros environ. Ces médicaments visent à améliorer les fonctions cognitives, les troubles du comportement, à préserver l'autonomie, à améliorer la qualité de vie et à maintenir une vie sociale le plus longtemps possible. En matière de prévention de cette maladie, notre interlocuteur affirme qu'il est difficile de l'envisager car les causes et les mécanismes de la maladie d'Alzheimer ne sont pas tous élucidés. D'où, ajoute-t-il, l'intérêt de faire des diagnostics précoces et tenter de « freiner la maladie ». Ainsi, le service de neurologie de l'hôpital Maillot et celui de l'hôpital Mustapha dirigé par le professeur Tazir, ont adopté depuis 2004, en raison de l'augmentation du nombre de malades, des consultations mémoires. Le diagnostic est fait « sur la base des échelles d'évaluation qui définissent la sévérité et le stade de la démence », nous explique le docteur Bendib Abada du service neurologie du CHU Bab El Oued. Pour elle, il est urgent de penser à introduire dans le système de santé la gériatrie, une spécialité de la médecine interne des personnes âgées. Comme il est aussi important, d'après elle, de réfléchir à la création de structures spécialisées pour accueil de jour et organiser des groupes de paroles pour aider ces malades. Elle signale que des volontaires sont là, mais les moyens manquent considérablement. A noter que la maladie d'Alzheimer et les affections voisines touchent 38 millions de personnes dans le monde, dont 800 000 en France. Bientôt un vaccin curatif La recherche offre néanmoins des perspectives encourageantes, parmi lesquelles la mise au point d'un vaccin curatif. Efficace chez la souris, il pourrait l'être aussi chez l'homme. Un nouvel essai clinique, piloté par le laboratoire suisse Roche, doit permettre de le vérifier. Dès le début de l'année prochaine, plusieurs dizaines de patients, parmi les 850 000 personnes touchées en France, vont y participer dans les hôpitaux de Bordeaux, Marseille, Montpellier, Nice, Toulouse et Paris.