Résumé de la 1re partie n Elizabeth Cochrane répond au Dispatch qui vient de publier un article antiféministe, le rédacteur en chef apprécie son style et demande à la voir, tout en la prenant pour un homme... Son arrivée dans les locaux du journal fait sensation. Les rédacteurs posent leur porte-plume, les typographes laissent tomber leurs caractères d'imprimerie. C'est la première fois qu'ils voient une femme ici, à part bien entendu les femmes de ménage, avec leur blouse et leur chiffon. Cela ne peut être que l'épouse d'un des collaborateurs et, si elle a osé venir, c'est pour une raison urgente. Un journaliste se précipite : — Vous cherchez quelqu'un, madame ? — Mademoiselle... J'ai rendez-vous avec George Madden. — Vraiment ? — II m'attend. Annoncez-moi : Elizabeth Cochrane. Le journaliste la conduit sans ajouter un mot et, lorsqu'il revient trouver ses collègues, c'est un bel échange de commentaires égrillards. Madden fait venir sa maîtresse au bureau. Il y en a qui ne manquent pas de culot ! La surprise du rédacteur en chef est tout aussi grande que celle de ses collaborateurs. Devant la ravissante apparition qui lui fait face, il cherche ses mots. — Mademoiselle Cochrane... J'avoue que je n'imaginais pas... — Vous ne m'appelez plus «monsieur» ? George Madden bredouille encore quelques phrases. Elle prend place en face de lui. — Quelle était votre intention en me demandant de venir ? — Etant donné le talent qui semble être le vôtre, j'avais envisagé une collaboration. Mais, évidemment, dans ces conditions .... — Quelles conditions ? J'ai toujours rêvé d'être journaliste. J'ai même un article à vous proposer. — Après tout pourquoi pas ? Dites toujours. George Madden s'attendait à une rubrique sur la mode, l'éducation des jeunes filles ou quelque chose de ce genre, mais il tombe de haut. — Le divorce. Madden manque de s'étrangler. Jamais son journal n'a publié la moindre ligne sur ce sujet. Le divorce existe bien dans la constitution, mais il n'est pas du tout entré dans les mœurs. La puritaine Amérique le considère comme une abomination. Le mot «divorce» n'est pas loin d'être un gros mot. — Pardonnez-moi, mais quelle expérience pouvez-vous en avoir à votre âge ? — Aucune, bien entendu. Cela ne m'empêche pas d'avoir des idées. Est-ce que la chose vous ferait reculer ? Le rédacteur en chef du Dispatch considère avec attention la personne qu'il a en face de lui. Il a une grande expérience professionnelle et il est certain qu'Elizabeth Cochrane possède un véritable tempérament de journaliste. Bien sûr, c'est une femme, mais il doit quand même tenter l'expérience. Il conclut : — Envoyez-moi votre article. S'il est bon, je le publierai. Elizabeth Cochrane y passe toute la nuit. Par prévenance pour sa mère, elle ne le signe pas de son nom ; elle choisit un pseudonyme, féminin, bien entendu, qui est le titre d'une chanson à la mode : Nellie Bly. Et, deux jours plus tard, George Madden fait paraître l'article, sans en changer une virgule. Dans tout Pittsburgh, c'est la sensation. L'article du Dispatch est commenté avec passion. Le débat sur le divorce, qui était jusque-là passé sous silence, s'ouvre enfin. On s'interroge aussi sur l'identité de celui qui se cache sous le nom de Nellie Bly. Car, une fois encore, personne ne s'imagine un instant qu'il s'agisse vraiment d'une femme. (à suivre...)