Réflexion n La traduction favorise le rapprochement des peuples, l'échange culturel et l'acquisition de nouvelles connaissances. Si les Arabes ont, au Xe siècle, atteint l'apogée quant à la production intellectuelle, c'est parce qu'ils ont mis en place des voies et des moyens aidant à la traduction de la pensée grecque en langue arabe. D'autres cultures, comme la persane ou l'indienne, sont passées systématiquement à la langue arabe. Tout au long de cette période, connue pour être l'âge d'or de la nation arabe, les Arabes excellaient dans le domaine de la pensée, de l'art et celui des sciences. Ils étaient les maîtres du langage. Cela revient d'emblée à dire que la traduction favorise l'ouverture sur d'autres cultures, l'assimilation d'autres pensées et du savoir, et l'acquisition de nouvelles connaissances, aussi bien scientifiques qu'artistiques. Les Arabes devinrent les détenteurs et dépositaires du savoir. Mais, plus tard, et grâce au travail accumulé durant cette période par les traducteurs arabes, le savoir est passé de l'Orient à l'Occident grâce aussi à la traduction. La traduction se révèle alors une voie pour l'émancipation de l'esprit et de la société par conséquence. C'est un acte de renaissance et de développement. Elle se révèle aussi comme un des critères de développement intellectuel parce qu'elle favorise l'échange des connaissances et des cultures. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, la traduction occupe une place de choix dans la politique des pays développés. Qu'en est-il alors dans les pays arabes et en particulier en Algérie ? La réalité s'avère autre que celle qui prévalait au Xe siècle. Un sondage de l'Unesco réalisé il y a quelque années révélait que toutes les traductions du monde arabe en dix siècles, équivalent à une année d'œuvres traduites dans un petit pays européen comme l'Espagne. Par choix politique ou par contrainte économique, les pays arabes n'accordent que très peu d'intérêt à la traduction. En Algérie, le constat est aussi bien lamentable que celui concernant la production livresque. Il n'existe quasiment pas de travail mené dans ce sens. La traduction se résume, le plus souvent, à des documents administratifs. Il y a presque absence totale quant à la traduction littéraire ou scientifique, et cela à défaut d'une politique qui, elle, encourage et soutient le travail de traduction. Et rien n'est fait en ce sens. Récemment, les instances concernées, à l'instar du ministère de la Culture, ont initié, du 2 au 5 décembre 2008, un Colloque international visant à réunir des écrivains, des auteurs et des traducteurs arabes et étrangers afin de réfléchir aux voies et moyens de promouvoir la traduction en faveur du dialogue culturel et civilisationnel, donc à institutionnaliser la traduction par la création d'instances et d'organismes ayant pour mission de mettre en place les mécanismes matériels et juridiques qui, plus tard, aideront à développer la traduction. Car c'est par la traduction que la langue s'enrichit, que se développent la pensée, la production intellectuelle, ainsi que la recherche scientifique et la créativité tant littéraire qu'artistique. Car c'est aussi par la traduction qu'un pays, vu le contexte actuel de mondialisation, s'inscrit et s'impose dans le concert des nations. Ainsi, la traduction est une fenêtre ouverte sur les cultures, donc sur le monde. Elle revêt, par conséquent, un caractère universel et elle aide au mieux à la promotion du savoir. l Jusque-là, l'Etat n'a octroyé à la traduction que très peu de volonté de l'inscrire dans un projet politique d'étendue nationale, et à la sortir, de ce fait, des initiatives individuelles, donc occasionnelles vers un travail collectif, à savoir institutionnel, c'est-à-dire la création d'institutions spécialisées dans la traduction. Car la traduction en Algérie, notamment dans le domaine littéraire – et des sciences humaines ou sociales – se résume seulement à des tentatives individuelles et à des expériences exceptionnelles. Il semblerait cependant que l'Etat à travers le ministère de la Culture s'engage, à partir de 2009, à consentir 10 % des recettes du fonds de soutien à la création au financement de la traduction littéraire en Algérie. Un geste certes louable dans la mesure où il vise à promouvoir la traduction, mais il reste que cette promesse doit être tenue. Cette décision se révèle une aubaine pour l'édition algérienne qui, elle, refuse de s'aventurer dans les traductions d'œuvres littéraires, car cela s'avérerait hasardeux, donc risqué, puisque ce genre de traduction est onéreux en raison, entre autres, des droits de la traduction. Il faut souligner que les éditeurs algériens préfèrent s'investir dans une traduction d'ouvrages à caractère conjoncturel et politique qui, au plan commercial, se révèle porteuse. Si ces éditeurs se montrent frileux quant à la traduction littéraire, c'est parce que le secteur de l'édition, donc du livre, connaît une crise. En effet, toute la chaîne du livre allant de l'édition à la diffusion souffre de déficit. Même le lectorat fait défaut à l'industrie du livre. Si le marché du livre est déficient, il est alors impossible de s'engager dans une autre action comme la traduction. Ainsi, le problème de la traduction ne sera résolu qu'avec la prise en charge des difficultés existant au niveau de l'écriture, de la publication et de la distribution en général. D'où alors l'apport de l'Etat et la nécessité d'aider à l'intensification de la production en matière de traduction.