Commerce n Attirées par les prix pratiqués, de nombreuses personnes préfèrent acquérir les montures pour lunettes de correction auprès de vendeurs établis au marché Michelet au centre-ville d'Oran et au souk de haï Medina El-Djedida. Cette tendance semble gagner des gens de différents niveaux d'instruction et de différentes couches sociales, créant une concurrence déloyale envers les opticiens agréés. Exposées sur des tables ou à même le sol dans les marchés populaires de la ville, ces montures de toutes formes et toutes couleurs sont cédées entre 100 et 200 DA la paire. Certaines d'entre elles portent des labels de marques mondiales, suscitant plus d'engouement. Fatima, une fonctionnaire dans une entreprise à la zone industrielle d'Es Senia, trouve que la nécessité l'oblige à opter pour ces montures pour doter de lunettes ses quatre enfants qui présentent des faiblesses de l'acuité visuelle. «Ces articles sont chers chez les opticiens, ils dépassent largement les 1 000 DA la paire, et il m'arrive parfois de changer de lunettes à mes jeunes enfants deux fois par an. Imaginez un moment combien cela me coûte», dira-t-elle. Toutefois, le port de ces montures n'est pas sans danger, avertit un ophtalmologue qui fait remarquer que cette marchandise «en vogue» échappe à tout contrôle, évoquant un adage populaire qui dit: «En voulant lui mettre du k'hol, on lui provoque une cécité.» Pour sa part, un représentant local de la section d'Oran de l'Office national d'appareillages pour handicapés (ONAAPH), qui propose des montures à des prix raisonnables, relève que celles qui foisonnent dans les marchés populaires sont fabriquées à base de matière récupérée et la plupart sont contrefaites, mettant en garde contre un certain nombre de maladies qu'elles peuvent provoquer, notamment chez les enfants. Selon une source médicale, sur un total de 32 020 élèves auscultés à Oran, 5,26 pour cent présentent des pathologies ophtalmologiques, comme la myopie ou le strabisme. Les aides procurées par des associations caritatives pour équiper les enfants scolarisés de lunettes de correction, s'avèrent insuffisantes, eu égard au nombre de nécessiteux, souligne-t-on. Le remboursement par la Caisse nationale d'assurances sociales se référant à un ancien barème demeure également insignifiant. Il favorise le recours aux vendeurs de circonstance, note un opticien établi au centre-ville d'Oran. Ce dernier estime que ce régime de compensation datant des années 1980 doit s'adapter à l'ère de l'économie de marché et prendre également en considération le coût des montures. Abondant dans ce sens, un vieux retraité affirme n'avoir récupéré du coût d'une paire de lunettes qu'il a payée 2 000 DA qu'une somme insignifiante auprès du centre payeur de la CNAS. Mieux encore, ce nouveau commerce ne se limite pas à la vente de montures. Certains de ses pratiquants se proclament opticiens et demandent au client s'il a en sa possession une ordonnance médicale, pour «mieux» le conseiller. Histoire de paraître moins attiré par le gain. Une ophtalmologue de l'établissement hospitalier spécialisé EHS Front de mer trouve que cette pratique frise l'intolérable en déclarant que l'optométrie est une affaire de spécialistes.