Image n A la périphérie est de Jabaliya, il y avait encore en décembre des immeubles, des usines et des oliviers. Depuis le retrait des chars israéliens, cette zone du nord de la bande de Gaza n'est plus qu'un champ de ruines. Le paysage est apocalyptique. «Pire que dix tremblements de terre», assure Ashraf Faraj, un ingénieur de 42 ans. Sur une longue portion de territoire de plusieurs centaines de mètres de large, dans les quartiers de Qirem ou d'Abed Rabbo notamment, plus aucune construction n'est debout. Cette zone, une des premières envahies par l'armée israélienne, a été abandonnée, dimanche soir, par les blindés, qui se sont retirés pour stationner du côté palestinien de la frontière, à quelques centaines de mètres plus à l'est. Mohammad Hassan, un grossiste de 52 ans, peine à retenir ses larmes. Il a tout perdu. Sa maison, les entrepôts où il stockait ses marchandises, l'hôtel qu'il avait fait construire pour héberger ses clients. «Pourquoi ont-ils tout détruit?», interroge-t-il. «Abou Rami», comme il est appelé, est une figure du quartier. Il employait 40 personnes, réglait les disputes de voisinage et travaillait avec le Hamas comme avec l'Autorité palestinienne. Il disposait même d'un précieux sésame pour entrer en Israël pour ses affaires avec ses clients israéliens. Pendant les trois premiers jours de l'offensive terrestre, il est resté terré dans ses entrepôts, comme pour les protéger. Le quatrième, il a fui. Dans les décombres de l'œuvre de sa vie, ses employés ont commencé, hier matin à récupérer le récupérable, au milieu des sacs de thé et de riz éventrés, des cartons d'huile de soja explosés, des palettes de café en poudre renversées. Dans l'ensemble de la bande de Gaza, environ 25 000 maisons ont été complètement détruites par l'aviation, les blindés ou les bulldozers israéliens. Les autorités de Gaza avaient chiffré samedi les dégâts dans le territoire palestinien à 1,9 milliard de dollars. Dans l'est de Jabaliya, il y a des centaines de maisons détruites. Une usine de produits électroniques, une fabrique d'huile d'olive et une cimenterie ont connu le même sort. Plusieurs mosquées ont été pulvérisées, des dizaines de bâtiments se sont affaissés en mille-feuilles. Le macadam, quand il y en a, est strié par les chenilles des chars, qui ont aussi labouré les champs sur leur passage. «Chaque fois qu'il y a un conflit, les Israéliens s'en prennent toujours aux oliviers. Je ne comprends pas», glisse un vieux monsieur dans un anglais assuré. A proximité, une carcasse d'âne n'attire plus que l'attention des mouches. Des poules déambulent en liberté. Au-dessus des têtes, le ronronnement d'un drone de surveillance israélien est permanent. Les rues sont engorgées par le va-et-vient des voitures et des carrioles tractées par des ânes. Dans ces quartiers, les gens disent que la plupart des corps ont été retirés des décombres. Une femme de 75 ans, toutefois, manque à l'appel depuis six jours. Partout on trie, on récupère. Le bois d'un côté, la ferraille de l'autre. Des enfants courent dans les ruines, d'autres exhibent fièrement des munitions israéliennes qui n'ont pas explosé. A mesure qu'on s'éloigne de la frontière, les bâtiments reprennent forme. Progressivement, les cicatrices de la guerre s'estompent.