Crise n C'est le premier choc pétrolier de 1974 qui fera prendre conscience aux consommateurs européens que l'énergie bon marché est non seulement finie, mais que le temps des vaches maigres commençait. On a tout essayé, sous ces climats, pour réduire de manière drastique la facture pétrolière. On a encouragé, par exemple, les travailleurs à utiliser pour leurs déplacements les transports en commun, on a été jusqu'à interdire dans certaines capitales la circulation de voitures pétrolières à certains endroits et à certains moments de la journée. A Londres, par exemple, il faut payer une taxe spéciale hors de prix pour s'approcher du centre de la city et s'y garer. A Paris, la municipalité a mis à la disposition des usagers des stations de vélos libres louées à l'heure ou à la journée. Bref, quelle que soit l'astuce employée par les décideurs pour amortir ce choc, les prix à la pompe ne cesseront de grimper pour arriver à la fin de cet été, à la veille de l'incroyable crise qui secoue aujourd'hui le monde, à la barre des 140 dollars le baril. Il est aujourd'hui à 40 dollars et il n'a pas fini de dégringoler. Et au train où vont les choses, il risque même de descendre jusqu'à 20 dollars. Tous les scénarios sont possibles, il ne faut jurer de rien. En attendant que les cours remontent au beau fixe, et arrêtent de jouer au yoyo à chaque fois que l'Europe grelotte, l'or noir, lui, use sans doute ses dernières réserves. Il n'est pas éternel et n'est pas renouvelable non plus. Cela a été dit, répété et expliqué à maintes reprises : l'après pétrole, ce n'est pas demain. C'est aujourd'hui. C'est maintenant. C'est tout de suite. Une fois cela posé, le reste n'est qu'une question de réponses à deux problèmes essentiels. Que faisons-nous pour préserver cette énergie et que font les autres pour s'en passer ? En ce qui nous concerne, rien n'a changé dans nos habitudes de consommation d'énergie ou de transport. Nous agissons, individuellement et collectivement, comme si nos ressources étaient inépuisables. On va à la pompe, on fait le plein et on évite de se faire d'autres soucis que celui de rouler tranquillement au milieu de la circulation. Voiture polluante, déglinguée ou hors service, engin pétaradant et qui risque de vomir d'une minute à l'autre ses derniers boulons, camion roulant à tombeau ouvert sur l'autoroute, le pot d'échappement crevé et fumant de toute sa puissance non sans empoisonner les automobilistes obligés de fermer leurs glaces, rien n'a été fait et n'a même été tenté pour réduire le volume de CO2 dans l'atmosphère et encore moins de diminuer notre consommation en fuel. Ailleurs, sur l'autre rive de la Méditerranée, les choses sont prises beaucoup plus au sérieux. Les grands constructeurs automobiles testent déjà sur des circuits fermés et à l'abri des regards indiscrets la voiture de demain. Electrique, à l'hydrogène, à l'hélium. En Suède, les bus dans certaines villes de l'intérieur roulent grâce à l'énergie récupérée sur les matières organiques. Au Brésil, des agriculteurs sont devenus milliardaires en optant pour des cultures industrielles qui, traitées, donnent du biocarburant c'est-à-dire du méthanol qui remplacera désormais la bon- ne vieille essence. Chez nous, la tendance est à celui qui roulera dans le plus beau et le plus grand bolide jamais conçu sur le marché. La planète, ce n'est pas encore notre souci majeur à l'évidence. Tout est possible n Puisqu'on peut fabriquer du biocarburant à partir de la canne à sucre, aucune raison ne s'oppose à ce que l'on fabrique chez nous le même produit à partir de nos dattes. Ce qui signifie que si un jour on était obligé d'en arriver là, le jour par exemple où tous nos puits pétroliers seraient taris, ce sera encore une fois le Sud qui nous fournirait notre énergie. Après Hassi Messaoud, les palmeraies de Laghouat, de Biskra, d'El-Oued et de Ghardaïa prendraient donc le relais. Cela peut faire sourire, bien sûr, mais c'est une éventualité à laquelle il faudrait peut-être se préparer. Un projet sérieux dans ce sens a même été divulgué récemment.