Un jour, une colonie de singes entra dans un champ appartenant à un jeune paysan. Celui-ci arriva au moment où les animaux commençaient à déraciner les plants d'arachides et à en manger les graines. Le paysan portait un fusil. Il épaula, décidé à tuer les singes avant qu'ils aient entièrement dévasté son champ. Puis il se ravisa et s'abstint de tirer. — Ces animaux, dit-il, appartiennent à Dieu et ils ne mangeraient pas mes arachides s'ils n'avaient pas faim ! Le paysan laissa la vie sauve aux singes et rentra chez lui. La nuit suivante, les fourmis s'attaquèrent au mil qu'il gardait en réserve dans un sac. Et elles en emportèrent tout le contenu. Lorsqu'il s'en aperçut, le paysan prit de la paille et alla la disposer sur la fourmilière afin d'y mettre le feu. Mais il finit par renoncer à son projet. — Ces insectes appartiennent à Dieu, dit-il, et ils n'auraient pas emporté mon mil s'ils n'avaient pas eu faim !. Le paysan ne brûla pas les fourmis. Quelques jours après, il se trouvait près du fleuve, lorsqu'il entendit mugir une de ses vaches. La malheureuse venait d'être attaquée par un crocodile alors qu'elle s'abreuvait. Le paysan prit son fusil et s'approcha pour tuer le crocodile. Mais il ne tira pas. — Cet animal appartient à Dieu, dit-il, et il ne mangerait pas ma vache s'il n'avait pas faim ! Le paysan ne tua pas le crocodile. Une semaine après, il entendit du bruit dans son poulailler. Il sortit et aperçut un serpent qui venait d'avaler un de ses poussins. Il prit un bâton et s'approcha pour le tuer. Mais il y renonça. — Cet animal appartient à Dieu, dit-il, et il n'aurait pas avalé un de mes poussins s'il n'avait pas eu faim ! Le paysan laissa donc le serpent en vie. Or, cet homme avait un ennemi qui était très lié au roi. Un matin, décidé à se venger, ce dernier se rendit au palais royal. Il se plaignit du paysan et inventa plusieurs histoires qu'il conta longuement au souverain. Il mentait avec un tel aplomb et se posait si bien en victime que le souverain fut bientôt convaincu de la culpabilité du paysan. Le roi convoqua alors le paysan et le condamna à quatre épreuves. La première consistait à cueillir tous les fruits d'un immense baobab qui se trouvait devant le palais royal. La deuxième à séparer des grains de mil des grains de sable. Le paysan devait ensuite retrouver une bague qu'une des femmes du roi avait perdue en se baignant dans le fleuve. Pour réussir la dernière épreuve, il lui fallait tuer un buffle en le regardant fixement. — Je te donne une journée pour chaque épreuve, déclara le souverain. Si tu ne réussis pas chacune d'elles, tu seras condamné à mort. Le malheureux paysan n'avait pas le choix. Il s'approcha du baobab. Mais il lui fut impossible d'y grimper tant l'arbre était grand. — Les branches de ce baobab sont inaccessibles, protesta-t-il. — Tu dois cueillir tous les fruits de cet arbre, si tu ne veux pas mourir, dit le roi avec fermeté. Tu as jusqu'à demain. Plutôt que de tenter l'impossible, le paysan préféra se rendre une dernière fois dans son champ, car il était persuadé qu'il ne lui restait que peu de temps à vivre. En chemin, il rencontra le plus vieux des singes qui avaient dévasté son champ. (à suivre...)