Il ne reste qu'une poignée d'heures pour le lancement officiel de la campagne électorale qui, en vérité, a déjà débuté. Les six candidats n'ont pas attendu le coup de starter pour entamer leur marathon de 19 jours et convaincre les 20 millions d'électeurs potentiels. Le coup de starter revêt un cachet plutôt symbolique puisque, sur le terrain, les six candidats en lice se sont mis à battre le rappel de leurs troupes dès l'annonce du verdict du Conseil constitutionnel, voire bien avant, pour ceux qui étaient sûrs de surpasser l'écueil des 75 000 signatures. C'est le Président Bouteflika, candidat à sa propre succession, qui a ouvert le bal avec des visites de travail et d'inspection dans plusieurs wilayas. Même entrant dans le cadre de ses activités régulières de chef de l'Etat, ces sorties ont été, néanmoins, ponctuées de discours et de décisions aux forts relents électoraux : effacement de la dette des agriculteurs, augmentation de la bourse des étudiants, annonce d'un programme d'investissement de 150 milliards de dollars pour les cinq prochaines années… Ce qui est suffisant pour faire monter au créneau ses concurrents, à l'image de Mohamed Saïd et Djahid Younsi. Parallèlement à cette activité présidentielle, les principaux soutiens de M. Bouteflika, notamment les dirigeants des partis de l'Alliance présidentielle et les leaders des organisations de masse, ont, eux aussi, pris leur bâton de pèlerin pour rappeler aux Algériens les réalisations des deux précédents mandats et la nécessité de continuer l'œuvre de redressement entamée en 1999. A un degré moindre, certes, les autres candidats n'ont pas, non plus, attendu la date du 19 mars pour entrer en contact avec les citoyens. Louisa Hanoune et Moussa Touati multiplient les meetings populaires aux quatre coins du pays tandis que Ali-Fawzi Rebaïne se contente de conférences de presse devant une assistance souvent clairsemée. Le décor est ainsi planté et rien ne dit que les choses changeront radicalement durant les 19 jours que durera la campagne. C'est que les observateurs ne s'attendent guère à revivre la lutte passionnée qui a marqué la campagne de 2004 entre les partisans de Ali Benflis et les pro-Bouteflika ou encore les débats d'idées de haute voltige auxquels les Algériens avaient assisté en 1999 avec Bouteflika, Hamrouche et autre Aït Ahmed comme candidats. L'absence des «grosses pointures» de la classe politique fait planer une sérieuse menace d'abstention sur le prochain scrutin et la hantise du boycott conditionnera la teneur de la campagne qui démarre. Les appels à la participation transcenderont sans doute les programmes et les promesses électorales. Durant la précampagne déjà, Bouteflika avait été on ne peut plus clair en s'adressant à partir d'Oran aux Algériens : «Votez pour ou contre moi, mais votez quand même.» Dans le même sens, Louisa Hanoune a appelé, avant-hier, la population de Médéa à «donner une leçon aux sceptiques le 9 avril». Cela dit, les interventions télévisées et les meetings populaires ne seront pas totalement dénués de confrontations et de débats sur de nombreuses questions, notamment celles d'ordre social et économique. Ainsi, c'est avec intérêt que l'on écoutera Louisa Hanoune tenter de convaincre de la faisabilité de ses réformes «à la vénézuélienne», Bouteflika développer les grands axes de son projet de «faire de l'Algérie un pays émergent» ou encore Mohamed Saïd définir les contours de son programme qui «prépare l'après-pétrole». Même si, pour reprendre la doléance de la SG du PT, une telle entreprise requiert plus que19 jours…