Résumé de la 31e partie n Mrs O'Rourke accueille Tuppence par un flot de paroles cordiales et prend des nouvelles de ses enfants… Tuppence se lança dans la saga du prétendu Douglas. — Sans mes trois garçons, je me sens perdue, conclut-elle. C'est la première fois qu'ils sont tous les trois loin de moi. Et ils sont si gentils avec leur mère ! Au fond, je crois qu'ils me considèrent plus comme une amie que comme une maman... Elle émit un rire laborieux. — Il faut parfois que je me gendarme pour les obliger à sortir sans moi. «Je suis vraiment en train de me faire passer pour la reine des enquiquineuses», pensa-t-elle. Elle n'en pour-suivit pas moins : — J'avoue que je ne savais plus quoi faire, ni où aller. Le bail de ma maison, à Londres, arrivait à expiration et il me paraissait stupide de le renouveler. Alors j'ai pensé que si je me dénichais un petit coin tranquille, mais quand même bien desservi par le train... A nouveau, le bouddha hocha la tête. — Je vous comprends parfaitement. Londres, en ce moment, ce n'est pas l'endroit rêvé. Ah, quelle misère !... Et Dieu sait que j'y ai vécu pendant des années ! J'étais une sorte d'antiquaire. Vous avez peut-être connu ma boutique, à Cornaby Street, dans Chelsea ? A l'enseigne de Kate Kelly ? Ce que j'ai pu y avoir comme belles choses ! Vraiment de beaux objets... essentiellement de la verrerie. Du waterford, du cork... Superbes... Des lustres de cristal, des bols à punch, le tout à l'avenant. Et puis aussi de la verrerie d'origine étrangère. Et du petit mobilier – rien d'imposant, mais de jolies pièces d'époque, chêne ou noyer, essentiellement... Oui, de belles choses. Et puis j'avais une belle clientèle. Seulement voilà, quand il y a une guerre, tout fiche le camp. J'ai eu bien de la chance de m'en tirer avec un minimum de perte. Un vague souvenir revint à la mémoire de Tuppence. Une boutique si pleine de verreries qu'on avait de la peine à s'y frayer un chemin ; une voix profonde, persuasive ; une femme imposante à l'aspect redoutable... Oui, elle avait sûrement eu l'occasion d'entrer chez Kate Kelly... Cependant Mrs O'Rourke poursuivait : — Mais je ne suis pas de celles qui passent leur temps à se lamenter - pas comme certains dans la maison. A commencer par Mr Cayley, avec ses écharpes, ses couvertures et les gémissements qu'il pousse sur ses affaires qui périclitent. C'est normal qu'elles périclitent, avec cette guerre... Et sa femme, bête à manger du foin... Et je ne parle pas de la petite Mrs Sprot, qui n'arrête pas de faire des histoires à propos de son mari. — Il est sur le front ? — Pas lui !... Il est vaguement employé dans je ne sais quel cabinet d'assurances, un point c'est tout, et il a tellement peur des bombardements qu'il a envoyé sa femme ici depuis le début de la guerre. Remarquez bien, je trouve que c'est parfaitement justifié pour ce qui est de la petite – quel adorable bout de chou ! Mais cette Mrs Sprot qui se fait de la bile alors que son mari vient ici dès qu'il peut – et qui n'arrête pas de nous répéter qu'elle doit tant manquer à son Arthur... Soit dit entre nous, elle ne doit pas lui manquer tant que ça, à son Arthur ! Il a peut-être bien d'autres chats à fouetter ! (à suivre...)