Résumé de la 18e partie n En se séparant de Von Deinim, Tuppence réalise qu'elle lui en a trop dit. Elle s'en veut... L'arrivée de Tuppence interrompit ces exhortations. — Oh ! bonjour, Mrs Blenkensop. Vous êtes bien matinale. Vous n'avez pas encore pris votre petit déjeuner. Il vous attend dans la salle à manger... Mrs Perenna se mit en devoir de présenter la personne à laquelle elle venait de donner ses consignes : — Ma fille Sheila. Vous ne l'avez pas encore rencontrée. Elle était en voyage, et elle n'est rentrée qu'hier au soir. Tuppence accorda toute son attention à un beau visage, aux traits mobiles, qui avaient perdu toute leur force tragique et n'exprimaient plus que l'ennui, et une certaine rancune. «Ma fille Sheila.» Sheila Perenna... Tuppence murmura quelques banalités polies et pénétra dans la salle à manger, où trois personnes étaient attablées : Mrs Sprot, sa fillette, et la monumentale Mrs O'Rourke. Tuppence articula un «Bonjour» auquel Mrs O'Rourke répliqua avec emphase par un tonitruant «Je vous souhaite la meilleure des journées» qui étouffa les salutations plus anémiques de Mrs Sprot. La vieille dame scruta Tuppence avec une sorte d'intérêt vorace. — Bonne chose que de faire un tour avant le petit déjeuner. Ça donne un appétit d'ogre. Pendant ce temps, Mrs Sprot confiait à son rejeton : — C'est du bon pain et du bon lait, chérie. Elle tenta de glisser une cuiller entre les dents de la jeune Betty. Laquelle, détournant la tête, réduisit à néant les efforts de sa mère et porta sur Tuppence des yeux comme des soucoupes. Puis, pointant vers la nouvelle venue un doigt plein de lait, elle gazouilla : — Ga... Ga bouche... — Vous lui plaisez beaucoup ! s'ébaubit Mrs Sprot, comme si sa fille venait de montrer sa faveur. Elle est quelquefois si timide devant les inconnus. — Bouche ! claironna Betty Sprot. Ah pouce ah bag, enchaîna-t-elle un ton plus haut. — D'après vous, que veut-elle dire par là ? s'enquit Mrs O'Rourke, fascinée. — On ne peut pas dire qu'elle parle déjà très clairement, concéda Mrs Sprot. Elle vient juste d'avoir deux ans, vous savez. Pour le moment, j'ai bien peur qu'elle ne dise pas grand-chose de sensé. Mais elle sait quand même dire maman, n'est-ce pas, chérie ?... Betty lança à sa mère un coup d'œil pensif et fit valoir, avec le plus grand sérieux : — Kouguelle bic. — Ces petits anges ont vraiment un langage bien à eux, se réjouit Mrs O'Rourke. Betty, ma chérie, dis maman, maintenant. Cette fois, Betty porta sur Mrs O'Rourke un regard pénétré et observa, en martelant les syllabes : — Nah zah... — Ah ! là, elle se surpasse ! s'extasia Mrs O'Rourke. Quelle adorable petite fille ! La gargantuesque Irlandaise se leva, lança à Betty un sourire carnassier et sortit lourdement de la pièce. — Ga, ga, ga, se réjouit Betty qui montra toute l'étendue de sa satisfaction en tambourinant sur la table avec sa cuiller. —Ça veut dire quoi, Nah zah ? s'enquit Tuppence avec un sourire de connivence. (à suivre...)