Art n L'une des doyennes de la peinture algérienne féminine expose jusqu'au 22 mai à la galerie Mohamed-Racim sous le titre «Révélation». Son exposition est une véritable surprise ! Longtemps, en effet, et ce, depuis le début de sa carrière, Souhila Belbahar a habitué les amateurs d'art aux couleurs et aux formes s'apparentant à l'art naïf. Longtemps, elle nous a habitués à ses femmes-fleurs ou, comme elle les désigne si bien et d'une manière appropriée, ses femmes-pétales, puisque tous ses personnages sont inspirés d'un univers végétal et fleuri. Longtemps, Souhila Belbahar nous a habitués à un imaginaire tout en rose et tout en pétales. Mais avec cette exposition, l'artiste a pris un autre tournant dans sa carrière. Elle s'est hasardée dans une expression qui ne lui ressemblait pas et dont on ignorait le contenu. Elle s'est aventurée dans un style et un imaginaire qui nous est singulièrement étranger. L'artiste a rompu avec ses vieux gestes et s'est ouverte à une poétique plus étonnante et saisissante. Une poétique hasardeuse, curieuse, hallucinante et, parfois, provocante, tant le style est inhabituel, vif et démonstratif. Son style est contemporain. Elle cultive une expression relevant directement de l'abstrait. Et c'est dans cette nouvelle poétique que l'artiste développe un imaginaire nouveau et une identité picturale insolite, personnelle. La contemporanéité est manifeste et l'abstrait s'exprime dans une dominance de formes pensées et façonnées par les couleurs ; celles-ci sont exubérantes, extravagantes. Avec cette nouvelle forme d'expression, inattendue et étonnante, Souhila Belbahar révèle une part de sa personnalité créatrice jamais soupçonnée. Elle nous révèle – et nous confie – son subconscient. Elle se révèle en un subconscient particulièrement expressif : il y a comme une envie de dire une nouvelle manière d'approcher l'art. Ces peintures que l'artiste présente sont dépourvues de réalité physique : la spatialité tout comme la temporalité, y sont rompues. Dans Ghardaïa, Souhila Belbahar représente la cité du M'zab, mais elle ne la reproduit pas. Elle la transpose autrement, en la transfigurant par son subconscient, recréant l'espace et le temps et créant, par la même occasion, un imaginaire urbain nouveau. Si l'abstrait fait grande figure dans les peintures de l'artiste, il n'en demeure pas moins que certaines d'entre elles, comme L'identité égarée, Maternité ou Méditation, nous font rappeler les gestes d'autrefois par lesquels l'artiste parcourait la surface du tableau et aussi inscrivait des tracés, des variations, des itinéraires ondulatoires, arrondis et serpentins. Dans ces trois peintures, l'artiste peint la femme qui apparaît telle une rose qui éclôt, qui déploie, élégamment, au lever du jour, sa parure, c'est-à-dire ses pétales parfumés et imbibés de rosée. Dans une autre peinture, Couple rupestre, l'artiste imagine deux personnages – féminins a priori – dans une posture ondulatoire : comme si elles dansaient et se mouvaient dans des courbes et figures. La danse qu'elles exécutent ressemble à celle exécutée par les femmes d'Alger.