Lenteur n La question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne risque de ne jamais se réaliser à cause de l'absence de volonté de la part de ses voisins européens. Cinq ans après l'élargissement de l'Union européenne, l'éventualité d'une adhésion future faiblit en Turquie et les relations avec Bruxelles pourraient traverser une nouvelle épreuve en 2009 sur la question de Chypre. «Les Turcs ont beaucoup de mal à voir le bout du tunnel», a souligné Mehmet Özcan, directeur du centre d'études européennes. Il a noté que depuis l'ouverture des discussions d'adhésion à l'Union, en octobre 2005, Ankara a fait beaucoup de réformes, comme l'ouverture d'une première chaîne de télévision publique en kurde, répondant aux exigences européennes pour des droits accrus aux minorités. «La population se demande qu'a-t-on reçu en échange des efforts réalisés ?», fait remarquer M. Özcan, évoquant un pessimisme en Turquie. Le chercheur admet que la lenteur des discussions découle aussi des conflits internes en Turquie, où le gouvernement islamo-conservateur du Parti de la justice et du développement (AKP) a, depuis deux ans, délaissé la voie des réformes à cause de plusieurs échéances électorales et de crises institutionnelles sur la laïcité. «Ankara ne parviendra pas à forcer la porte de l'Union européenne sans réformes démocratiques, mais les propos décourageants des leaders européens mécontentent les Turcs», estime M. Özcan. La France et l'Allemagne tiennent la tête des Etats hostiles à l'adhésion turque. Ankara n'a, pour l'heure, ouvert que 10 chapitres thématiques sur les 35 qui jalonnent ses négociations d'adhésion. Le bloc européen a décidé en 2006 de geler huit chapitres, en raison du refus de la Turquie d'ouvrir ses ports et aéroports à la République de Chypre, membre de l'UE et qu'Ankara ne reconnaît pas. «Cette question bloque la progression de la Turquie. Sans une solution dans ce dossier, on ne verra pas le bout du tunnel», estime Sinem Açikmese de la Fondation pour la recherche sur les politiques économiques. L'UE a fixé à fin 2009 la date limite pour l'application par Ankara de l'union douanière à la République de Chypre, et un blocage pourrait être lourd de conséquences pour l'adhésion turque. «Une rupture, peut-être pas», estime M. Özcan, mais un gel des relations sûrement, à moins que l'UE ne se décide à donner un an de plus à Ankara pour respecter ses engagements sur Chypre. «Pour l'instant, la Turquie n'est pas prête à bouger tant que les discussions engagées en 2008 entre dirigeants chypriotes grecs et turcs sur l'île méditerranéenne, divisée depuis 1974, n'auront pas abouti», a affirmé le négociateur en chef à l'UE, Egemen Bagis. La Turquie réclame la levée des sanctions économiques frappant l'entité turque du nord de l'île. «Une intégration dépendra de la volonté des deux parties de pouvoir s'accepter», fait remarquer Mme Açikmese. Les déclarations à Ankara début avril du Président américain Barack Obama en faveur d'une intégration de la Turquie musulmane à l'UE ont créé une dynamique favorable à Ankara.