A la veille du palmarès, l'Espagnole Isabel Coixet dévoile à Cannes Carte des bruits de Tokyo, une romance mélancolique aux prémisses de film noir où la capitale japonaise prend un parfum d'étrangeté. Le réalisateur promène sa caméra dans des quartiers populaires peu filmés, dont elle donne une vision insolite. Superbement filmé et photographié, son film suit la mystérieuse Ryu (Rinko Kikuchi) : employée du marché aux poissons la nuit, tueuse à gages le jour. Au désespoir après le suicide de sa fille, Nagara (Takeo Nakahara) un puissant homme d'affaires, fait appel à ses services pour abattre David (Sergi Lopez) le petit-ami de celle-ci, qu'il juge responsable de sa mort. Surveillée de loin par un amoureux transi (Min Tanaka), Ryu s'attache peu à peu à David, jusqu'à en oublier son contrat... Fidèle à la promesse de son titre, Carte des bruits de Tokyo prend le pouls de la ville : l'effervescence d'un marché de nuit, le crissement d'un train de banlieue à l'aube, le bouillonnement d'une soupe au ramen dans un restaurant de rue, le silence d'un cimetière un après-midi d'été... Voyage sensoriel et sensuel au pays de la mélancolie, le film capte l'âme d'une métropole peuplée de solitaires, habillée de néons la nuit, au fil d'une bande sonore éclectique. Le prix Un certain regard revient à «Dogtooth» l Le prix Un certain regard du 62e Festival de Cannes a été attribué, hier soir, au film Dogtooth du Grec Yorgos Lanthimos, le jury distinguant également l'Iranien Bahman Ghobadi, la Française Mia Hansen-Love. Dogtooth (en grec Kynodontas) est un dérangeant huis clos dans lequel un couple fait grandir ses trois enfants totalement coupés du monde extérieur, dans une villa entourée de hauts murs d'une banlieue non identifiée d'une ville grecque. Ecrit et réalisé par Yorgos Lanthimos, né à Athènes en 1973, le film montre le fonctionnement d'une dictature à l'échelle de la cellule familiale où manipulation mentale, menace permanente, perversion du langage et mensonges (les enfants seront en âge de partir lorsque leurs canines tomberont, leur dit-on) sont quotidiens. Le jury, présidé par le metteur en scène italien Paolo Sorrentino, a également attribué un prix spécial Un certain regard à deux longs métrages ex aequo, parmi les 20 de la sélection. Le premier de ces prix a récompensé le film d'ouverture, Les chats persans de l'Iranien Bahman Ghobadi. Ce long métrage aux allures de documentaire suit de jeunes musiciens de Téhéran dans leurs concerts et répétitions clandestines, et dresse un portrait poignant d'une jeunesse en quête de liberté. L'autre film primé, Le père de mes enfants, deuxième long métrage de Mia Hansen-Love, dresse le portrait d'un producteur indépendant inspiré d'Humbert Balsan, disparu tragiquement en 2005.