Carte n Les chrétiens du Liban, divisés en deux camps rivaux, joueront un rôle décisif lors des législatives du 7 juin. Ces élections cruciales surviennent après quatre ans marqués par une guerre dévastatrice entre le Hezbollah et Israël en 2006 et une grave crise politique qui a dégénéré en heurts intercommunautaires sanglants en 2008, faisant craindre une nouvelle guerre civile. Elles mettront aux prises la majorité antisyrienne menée par la plus grande formation sunnite du pays, le Courant du Futur de Saâd Hariri, et la minorité, dont le chef de file est le puissant parti chiite Hezbollah, un allié de la Syrie et de l'Iran. Les chrétiens, minoritaires (35% des quelque 4 millions d'habitants), sont divisés entre les deux camps. La bataille, très serrée, se jouera ainsi en grande partie sur une poignée de sièges dans quelques régions chrétiennes, comme à Zahlé, bastion chrétien dans la plaine musulmane de la Bekaa (est), où les candidats des deux bords s'arracheront les voix de la communauté chrétienne. «C'est le vote chrétien qui définira les rapports de force», affirme Melhem Chaoul, professeur de sociologie à l'Université libanaise. «Les chrétiens sont au cœur de la bataille électorale», résume de son côté Okab Sakr, candidat proche de la majorité à Zahlé. Dans ce pays multiconfessionnel, les 128 sièges du Parlement sont répartis à parité entre chrétiens et musulmans, mais les députés, toutes confessions confondues, sont choisis par l'ensemble de l'électorat. Chaque communauté religieuse se voit attribuer un nombre de sièges dans les circonscriptions électorales en fonction de son poids démographique. Mais si les chrétiens auront un rôle capital à jouer, ils sont loin de l'influence dont ils jouissaient avant la guerre civile (1975-1990), lorsqu'ils étaient les véritables détenteurs du pouvoir. Ils ont été affaiblis par l'accord de Taëf (ayant mis fin à la guerre civile), qui a réduit le pouvoir du président de la République, traditionnellement un chrétien maronite, et par la tutelle syrienne dont ils étaient les principaux contestataires. Beaucoup de chrétiens ont pris le chemin de l'exil pendant et après la guerre, et leur nombre s'est réduit inexorablement au fil des ans. «Les chrétiens seront arbitres du point de vue technique ou numérique, mais ils n'ont pas réussi à devenir une véritable force politique pouvant transcender les clivages politiques rongeant le Liban», dit M. Chaoul. «Ils adoptent une attitude suivistes. Les uns luttent avec les chiites contre les sunnites et vice-versa. Ils ne sont pas démarqués en tant qu'élite en se positionnant au centre, où ils auraient eu un véritable pouvoir», ajoute-t-il. Une situation qui déplaît à beaucoup, comme exprimée dans l'une des affiches électorales d'un candidat chrétien : «Nous ne voulons pas d'un maronite dépendant du chiite, nous ne voulons pas d'un maronite dépendant du sunnite, nous voulons un vrai maronite : oui pour un rôle chrétien.»