Le Liban vote, demain, pour des élections législatives qui pourraient voir les chiites du Hezbollah et du Amal, associés au parti chrétien de Michel Aoun, l'emporter face à la coalition pro-occidentale qui domine le gouvernement sortant. Très courtisé, l'électorat chrétien pourrait faire basculer le scrutin dans un sens ou dans l'autre. Les élections pourraient bien permettre à la coalition comprenant le Hezbollah, mouvement anti-israélien et anti-américain soutenu par l'Iran et la Syrie, de prendre la tête du pays. Une perspective qui a suscité un vif débat dans une communauté chrétienne libanaise divisée politiquement entre partisans du camp pro-occidental et ceux de la coalition du Hezbollah. Les factions pro-occidentales, soutenues par les musulmans sunnites, ont mis en garde l'électorat chrétien contre une domination du pays par les chiites, qui soutiennent de leur côté la coalition du Hezbollah. Elles affirment que le Hezbollah pourrait chercher à imposer un conservatisme islamique dans le pays le plus libéral du Moyen-Orient et plonger le Liban dans une nouvelle guerre avec Israël, comme durant l'été 2006. "C'est votre choix entre la paix et la guerre", a lancé Sami Gemayel, candidat du parti chrétien Kataëb dans une récente interview télévisée. Il a averti que l'arrivée au pouvoir du Hezbollah transformerait le Liban en un nouveau Gaza, en référence au petit territoire palestinien dirigé par le Hamas et soumis à un blocus strict par Israël. "Le choix est entre Gaza et un Etat libanais civilisé", a-t-il assuré. Les opposants chrétiens de Michel Aoun, ancien chef de l'armée libanaise qui dirige le Courant patriotique libre (CPL), un parti chrétien allié au Hezbollah, le présentent comme un opportuniste prêt à trahir sa communauté pour accéder au pouvoir. L'alliance entre des chiites et des chrétiens au Liban peu sembler étrange. Dans ce pays de quatre millions d'habitants, indépendant depuis 1943, les chrétiens sont historiquement influencés par l'Occident pour la politique, la culture et même la mode, alors que le Hezbollah et ses partisans ont les yeux tournés vers l'Iran. Le mouvement chiite est connu pour sa lutte contre Israël et son soutien aux Palestiniens. En revanche, les chrétiens libanais ont moins de sympathie pour les Palestiniens, et certains nourrissent même de l'hostilité à leur égard. Il est vrai que chrétiens et Palestiniens se trouvaient dans des camps opposés durant la guerre civile qui a déchiré le pays entre 1975 et 1990. En outre, le Hezbollah est un allié proche de la Syrie, alors que l'ancien général Michel Aoun a combattu les forces syriennes lors d'une révolte avortée contre la domination syrienne sur le pays en 1989. Reste que trois ans après sa formation, l'alliance entre le Hezbollah et Michel Aoun non seulement tient toujours, mais elle s'est renforcée. La coalition compte également un autre mouvement chiite, le Amal, et est soutenue par les chrétiens arméniens du Liban. Elle a de bonnes chances de remporter une majorité des 128 sièges du Parlement dimanche. Ce qui lui permettrait de former le prochain gouvernement alors que l'exécutif sortant est dominé par les partis pro-occidentaux. Les partisans de la coalition Hezbollah-Amal-CPL affirment qu'elle est le signe qu'un avenir politique plus démocratique et moins sectaire est possible au Liban. Michel Aoun et le Hezbollah affirment rompre les clivages politiques traditionnels et font campagne sur des promesses de réforme. "L'alliance (avec Michel Aoun) a sorti le Hezbollah de la marginalisation politique", estime Amal Saad-Ghorayeb, un analyste. "Sans elle, cela aurait été les chiites contre le reste du pays". Le Hezbollah a cherché à convaincre les chrétiens qu'il ne chercherait pas à dominer le pays. "Nous serons au service de nos alliés dans le prochain gouvernement", a assuré son chef Hassan Nasrallah dans l'une de ses interventions télévisées de la campagne. "Personne ne peut gouverner tout seul".