Nasser Hannachi Bercée entre conte de fée et zedjel, la quatrième soirée de la 7e édition du Festival culturel international du malouf de Constantine a replongé les présents dans l'authenticité au grand bonheur de ces derniers qui s'étaient présentés en masse à cette belle affiche purement régionale. Un théâtre plein. Ce n'est pourtant ni l'inauguration ni la clôture de la manifestation. Les Constantinois adulent leur leitmotiv, cette Andalousie, la pure. Et les chanteurs qui défilaient, attiraient chacun ses fans. Le malouf a eu sa belle étoile pendant plus de deux heures avec quatre artistes : Salim Fergani, Djamel Arres, Dib El Ayachi, et une innovation émanant de Bouda, qui a associé une voix féminine à son orchestre, la luthiste Soraya Zbirir, pour former un duo. «Une touche originale pour sortir des traditionnelles morceaux», dira cette paire. L'ainé de Mohamed Tahar Fergani a entamé son récital en maître. Les premiers istikhbars variés et extraits de divers modes ont d'emblée mis de la chaleur à l'odéon. Il interprètera «Ya ächikine Nar El mahaba». Une qacida qui a trouvé résonnance chez l'assistance, conquise. «L'opus que j'ai interprété était parmi les préférés de Cheikh Hsouna avec qui d'ailleurs j'ai eu la chance et l'honneur de travailler dans les années soixante-dix en tant qu'instrumentiste avant de brasser ma carrière de chanteur. D'ailleurs c'est lui qui avait soufflé à mon père que je serais luthiste». Salim a frappé un grand coup à travers sa prestation. C'est le malouf qui coule de source... Un festival du malouf sans «l'un des Fergani» n'étant pas un festival. «Le malouf (Constantinois) est une propriété de tous. Seulement il habite notre âme», répondra Salim. La qasida, vénérée par les puristes est exécutée avec brio. «Elle est préférée dans le répertoire Constantinois. Elle s'y distingue telle ‘‘Damaî Jara''», dira le chanteur luthiste. Et d'ajouter : «Le public s'est réjoui tout au long de ce spectacle. Cela m'a fait grand plaisir d'avoir mis le théâtre dans une atmosphère de fête en plein festival.» De fait la soirée était assez harmonieuse au point d'émettre que la ville a recouvré sa santé musicale ancestrale. «On a voulu casser la monotonie dans l'exécution des istikhbars par des incursions vers d'autres modes dil et rhaoui. L'essentiel l'assistance en était enchantée.» Applaudissements et youyous accompagnaient la prestation de Salim achevée avec un zedjel des grands jours ! Ouvert à la diversité musicale, Fergani remettra sur la scène la nécessité de se frotter aux musiques des autres pays présents en cette manifestation. «C'est une évidence par excellence, le malouf est adulé dans notre ville. Mais cela n'empêche pas les mélomanes d'écouter d'autres styles qui, eux aussi, détiennent leur touche authentique. On citera le malouf tunisien ou maghrébin», a-t-il suggéré. Toutefois ce dernier déplorera les œuvres de certains artistes locaux «heureusement pas tous, qui dénaturent notre richesse musicale». Sans détour : «Il faudra commencer par apprendre et jouer convenablement notre musique pour pouvoir ensuite prétendre à des innovations. Un grand travail reste à faire en ce qui concerne le traitement de la nouba. Certaines suites (nouba) sont loin d'être terminées. Evitons au maximum d'entacher le malouf par des ornements qui ne sont pas les nôtres...Et chantons le avec des trimes, de l'âme.» Djamel Arres une voix, un archet... «En prélude l'instrumentiste pourra se permettre des excursions pour ajouter du charme aux istikhbars notamment. Mais une fois l'œuvre entamée l'orchestre se doit une stricte application des fondements de cet art. Tel que transmis par nos chouioukh.» La scène sera gâtée avec l'autre voix puissante de Djamel Arres et ses coups d'archet majestueux faisant sortir un malouf du terroir. «Ya nas ma tâdarouni» sera trop appréciée par les présents des deux gents. Un régal. Humble, virtuose cet artiste souvent «oublié» sur la scène locale vient d'imposer sa présence dans cette manifestation. «J'ai joué la musique constantinoise. Ma musique. Notre musique», devait il nous révéler en fin de sa belle prestation, ému par la reconnaissance que lui a manifesté l'assistance. Arres Djamel s'illustrera avec «Mada nahayt qalbi», «Ya saâtou hania», et un derdj sika, «Doukt el haoua maâ el naoua». Le finish ou «El khlass» était zedjel, ce qui a mis le théâtre en parfaite harmonie. Toujours malouf : Dib El Ayachi ce «troubadour» conservateur du genre n'a pas décliné l'invitation du commissariat malgré son agenda truffé. Il a subjugué ses fans d'un qacid mouwachet intitulé «Jaka el Ghaitou». Une œuvre qu'il a peaufinée avec des artistes constantinois. Un autre genre, une autre voie, mais le malouf prédominait la soirée. «Ce festival détient un grand sens notamment au-delà du pays. C'est une fierté pour Constantine. Nos invités étrangers verront l'école forte de Constantine avec ses chanteurs et solistes instrumentistes. C'est une belle carte de visite ouvrant la voie aux grands échanges universels», répondait Dib El Ayachi à la Tribune. Comme Salim Fergani et Djamel Arres l'invité récuse un malouf dans lequel s'incrustent des instruments modernes. «Un malouf au synthétiseur ? C'est ridicule. Cela tue l'âme du patrimoine», nous confie-t-il. Il faut ouvrir le chemin aux jeunes à condition de les encadrer pour une préservation optimale de notre musique. A une question sur les éventuelles divergences qui émaillent la scène artistique du malouf avec toutes ces formations et chanteurs : «Auparavant Il existait quelques détails issues de la rude concurrence artistique. Mais cette ‘‘mésentente'' n'a plus de place. On n'est plus à ce stade. Les associations et écoles œuvrent en continu et tout le monde bénéficie des aides étatiques pour promouvoir ce patrimoine.» En note finale le duo Kamel Bouda et Soraya Zbirir remontent le temps à travers un conte de fée «Damaî jara». Une conversation entre un homme et une femme. La troupe espagnole Jako et musikante était programmée pour animer la soirée d'hier. Sans oublier l'association El Maghdiria de Mascara qui a décroché la deuxième place dans le Festival national du malouf de juillet dernier. N. H.