Quand on se promène dans la vieille ville de La Havane, on réalise vite que ses beaux faubourgs ressemblent, comme deux gouttes d'eau, à certains quartiers de la ville d'Oran. Quel rapport entre la métropole cubaine et la capitale de l'ouest algérien ? A priori rien. Pour l'observateur averti, ces ressemblances architecturales traduisent nettement la longue présence espagnole dans les deux cités. Le style colonial espagnol dans l'aménagement des villes a imprimé dans les deux cités son empreinte spécifique. Dans les monarchies arabes du Moyen-Orient, Dubaï, Doha ou Koweït City, construites en hauteur, ont des allures de mégapoles américaines. Ces grandes capitales, œuvres d'architectes et de bâtisseurs transatlantiques, ressemblent à ceux-là mêmes qui les ont conçues et concrétisées dans la réalité. C'est pourquoi l'architecture et l'urbanisme sont de hauts faits culturels. Pour reprendre l'exemple des Etats-Unis, les peaux-rouges, bien avant l'arrivée de Christophe Colomb, aménageaient en étages de grandes grottes pour en faire leur habitat. A l'époque déjà, les indiens disposaient d'immeubles troglodytes de 4 à 5 étages. Les nouveaux maîtres de ce vaste pays ont, ensuite, améliorer ce style pour arriver aux gratte-ciels. A chaque peuple sa culture qui se manifeste dans les formes et les fonctionnalités de son habitat. C'est pour cette raison qu'on dit que chaque ville a une identité propre qui la distingue des autres, même à l'intérieur d'un seul et même pays. Partout, les citadins aspirent à une ville adaptée à leurs besoins spécifiques et qui traduirait leur histoire et leur culture. Une cité à laquelle ils s'identifieront volontiers. En Algérie, les citoyens, aux quatre coins du pays, dénoncent le squat des espaces verts, des trottoirs et des placettes par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux, et réclament le respect des normes techniques dans l'implantation des nouvelles cités résidentielles. Ils revendiquent une nouvelle ville dans laquelle ils se sentiraient chez eux. On assiste aussi, ces dernières années, à une prise de conscience collective de l'importance du patrimoine matériel. On milite pour la restauration des vieux monuments et des vieilles mosquées pour sauvegarder ce rapport nostalgique au passé. Il est vrai que les villes, comme les hommes, ont une identité, une culture et une esthétique propres qu'elles doivent à tout prix sauvegarder pour ne pas perdre leurs âmes. A chaque ensemble urbain sa parure personnelle qui lui donne un cachet, un style. Ces signes distinctifs portent sur l'art (sculptures, statues), l'architecture (habitations, greniers), l'artisanat (portes, meubles), et font partie indissociable du quotidien collectif. Les architectes et les urbanistes tardent, cependant, à prendre en charge cette requête légitime. Il n'y a qu'à voir les minarets cylindriques et dômes semi- sphériques des nouvelles mosquées pour s'en rendre compte. Autrefois, les Algériens adoptaient des minarets cubiques et toitures arquées en tuiles rouges dans ce type d'œuvres. Cela s'appelle le style mauresque qui caractérise toute la région de l'Afrique du Nord. A ce propos, les Casbahs d'Alger, Tlemcen, Béjaïa, Constantine, Annaba, Dellys, Ténès et Cherchell sont autant de réalisations du génie algérien authentique. A ce précieux patrimoine, on peut aussi rajouter les médinas de Boussaâda, Laghouat, Ghardaïa, les ksour de la ville d'Adrar, ceux de Béchar, Ouargla, El Oued et d'autres vestiges encore vivants de cette belle civilisation arabo-mauresque qui est la nôtre. On ne doit pas oublier, non plus, le caractère typique de nos villages d'autrefois en Kabylie, dans les Aurès et au Sahara. Nos écoles d'architecture doivent aujourd'hui s'inspirer de toutes ces réalisations pour redonner à la ville algérienne son image et son cachet distinctif. Il s'agit d'une requête populaire. Un sursaut auquel doivent se joindre impérativement les maîtres d'œuvres en associant les artistes et les créateurs. Ainsi, nos villes auront les lignes et les courbes qui nous feront rêver et nous donneront des raisons supplémentaires pour espérer. Il s'agit d'un retour aux sources indispensable. K. A.