Une centaine de chefs d'Etat et de gouvernement venus des quatre coins de la terre se sont rassemblés, hier, au stade de Soweto. Keffiehs, fez, boubous, costumes sombres, soutanes autant de différences se sont côtoyées, hier, pour rendre un ultime hommage à Madiba. Il y avait, indéniablement, beaucoup d'hôtes officiels qui ne reflétaient en rien l'héritage de Nelson Mandela. Mais tous se sont sentis obligés de faire le voyage en Afrique du Sud pour revendiquer les valeurs du vainqueur de l'Apartheid. Des dictateurs africains aux chefs d'Etat de pseudo démocraties occidentales, nul n'ignore que rares étaient ceux qui avaient réellement des principes en commun avec le père de la nation arc-en-ciel. «Je suis sûr que Mandela doit sourire là-haut», en regardant cette assemblée, a déclaré le porte-parole de la famille, le général Thanduxolo Mandela. Certainement, Madiba avait souri mais pas forcément pour les mêmes raisons que l'on pourrait soupçonner. A la tribune officielle se sont relayés de nombreux orateurs dont le président Obama. Ce dernier n'a pas raté son coup médiatique. Dans un show typiquement américain, le président américain, qui a qualifié le grand disparu de «géant de l'Histoire», n'a pas hésité à fustiger les trop nombreux «dirigeants qui se disent solidaires du combat de Mandela pour la liberté mais ne tolèrent pas l'opposition de leur propre peuple». «Il est difficile de faire l'éloge d'un homme... encore plus difficile de faire celle d'un géant de l'Histoire, qui a conduit une nation vers la justice», a ajouté M. Obama, acclamé par la foule triée à la volée au stade de la township. Dans la tribune à ses côtés se trouvaient des représentants du régime chinois ou le président zimbabwéen Robert Mugabe. Il y avait aussi Raoul Castro, le président cubain, le Premier ministre britannique, le président français, le président allemand tous avait assisté à l'hommage sous une pluie battante aux côtés des Sud-Africains qui avaient, hier, l'âme festive. «On nous avait suggéré de mettre une cravate noire», a raconté le Premier ministre britannique David Cameron, dont le pays a soutenu l'Apartheid, à son arrivée dans le stade, «mais quand on entend cette clameur, quand on voit l'atmosphère de fête qui règne ici, il devient évident que les Sud-Africains veulent dire au revoir à ce grand homme, mais aussi célébrer sa vie et son héritage». C'est par l'hymne national sud-africain, «Nkosi sikelel' iAfrika», Que Dieu bénisse l'Afrique, qu'a débuté la cérémonie, alternant discours d'hommage et chants. «L'Afrique du Sud a perdu un père. Le monde a perdu un ami cher et un mentor», a lancé le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon dans son éloge funèbre. «Nelson Mandela nous a montré la voie avec un cœur plus grand que ce stade, a-t-il noté, et un sourire contagieux qui aurait pu en allumer les lumières. En fait, il a éclairé le monde.» Baleka Mbete, coordinatrice de l'ANC, le parti au pouvoir, a ensuite fait chanter le stade sur l'air de «Tata Madiba», «Ake Kho a fana naje», «Il n'y en a pas un autre comme toi» (en xhosa et zoulou). La foule a repris le refrain. Souvent indisciplinée, elle a même hué le président Jacob Zuma lorsqu'il est apparu sur les écrans géants. Son homologue zimbabwéen Robert Mugabe, populaire parmi les plus défavorisés pour avoir exproprié les blancs, a été acclamé tout autant que l'ex-femme de Mandela, Winnie. Tous, en dépit de leurs véritables convictions, saluaient le parcours exemplaire d'un homme qui a passé vingt-sept ans en prison pour vaincre la ségrégation raciale dans son pays avant de négocier une transition pacifique parachevée par son élection à la présidence, en 1994. M. S. Ban Ki-moon salue le «guide, qui a enseigné et vécu sa vie en donnant l'exemple» Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon est arrivé lundi dernier à Johannesburg, pour prendre part, aujourd'hui, à la cérémonie commémorative officielle en l'honneur de l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, qui sera inhumé dimanche prochain. «Nous nous unissons dans la douleur causée par une perte considérable et dans la célébration d'une vie considérable», a déclaré M. Ban au Centre Nelson Mandela, qui est aussi un musée. Affectueusement surnommé «Madiba», M. Mandela est décédé jeudi dernier à l'âge de 95 ans. «La position de principe de Nelson Mandela pour la défense de l'égalité fondamentale entre tous les êtres humains a été décisive dans le démantèlement du système de l'apartheid», a rappelé M. Ban. «Sa compassion remarquable à sa sortie de prison après 27 ans de détention a mis immédiatement l'Afrique du Sud sur la voie du dialogue et de la réconciliation». Le Secrétaire général a rendu hommage au «géant de la justice, de l'égalité et des droits humains», ajoutant qu'il avait été plus qu'un des plus grands dirigeants du monde : «Il était aussi un guide, qui a enseigné et vécu sa vie en donnant l'exemple.» M. Ban a évoqué sa rencontre avec M. Mandela à son domicile, en février 2009, qui l'avait «profondément ému». Il a rendu hommage à son humilité et à sa dignité, ainsi qu'à la façon dont Madiba avait su mettre le bien-être des autres avant le sien. «C'est une sagesse inestimable, alors que nous nous efforçons d'aider les plus vulnérables, de mettre fin aux conflits armés, de protéger les droits de l'Homme et de créer un monde meilleur pour lequel Nelson Mandela a tant donné.» «Les habitants de l'Afrique du Sud et le monde entier ont perdu un héros. Son héritage [...] continuera de guider le travail de l'Organisation des Nations unies.» Le Secrétaire général s'est également rendu au domicile de M. Mandela, où il a présenté ses condoléances à la famille de l'ancien Président.