Nasser Hannachi Le déclic pour impulser un marché de l'art aurait pu avoir lieu avec une action commune des artistes plasticiens de Constantine, à travers une association dont la création a été annoncée il y a quelques mois. Présidée par l'artiste peintre Allalouche, cette association peine toutefois à planter les jalons d'un marché et à répondre aux attentes de la corporation régionale fragilisée par l'absence de ce marché, fut-il embryonnaire, qui leur permettrait de rentabiliser les longues heures passées dans leurs ateliers. Il y eut quelques réunions mais la mayonnaise n'a pas encore pris, selon un plasticien adhérent. «La vocation locale semble avoir cédé la place à une ambition démesurée», déplore-t-il. «Pour un début, il est impératif de se focaliser sur les préoccupations de la scène constantinoise avant d'étendre les actions à l'échelle nationale», a-t-il ajouté, estimant que «c'est dans cette région que le peintre est orphelin, faute d'une structuration effective. On est, certes, sollicités pour exposer nos œuvres, mais là aussi il faut signaler le désintéressement criard de la population vis-à-vis de l'art, à l'exception d'une petite minorité. Même les élus et responsables locaux tournent le dos aux salles d'exposition, sauf si le protocole l'exige». C'est beau ce que vous faites, disait la ministre de la Culture à une artiste qui exposait dans le hall du Théâtre de Constantine, il y a quelques temps. C'était le premier compliment qu'elle entendait depuis que ses œuvres étaient présentées au grand public. Ça résume en quelque sorte le sort et l'indifférence voué à la culture en général et aux arts plastiques en particulier. Et si la réouverture de la salle Issiakhem a permis l'organisation de diverses expositions régionales et nationales, ça n'a pas pour autant amélioré la situation des artistes. Un zeste d'animation s'en était suivi, mais c'est tout, bien que ce soit la seule galerie qui accueille les peintres constantinois, avec quelques sollicitations du Palais de la culture, du musée et de l'Institut français. «Une bouffé d'oxygène pour nous. Auparavant, les expositions se tenaient dans le hall de la Maison de la culture El Khalifa. Ici, à Issiakhem, l'environnement est adéquat pour ce genre d'expression. Et sa rénovation imminente pour l'évènement Constantine capitale de la culture arabe 2015 devra lui offrir un cadre encore meilleur», dira un plasticien. Constantine compte plus d'une cinquantaine d'artistes aussi brillants les uns que les autres. Delouche, Ali Khodja, Boulfoul, Allalouche, Djoudi,... et la liste est encore longue. Actuellement, chacun tire de son côté pour faire valoir ses projets. Or, cette situation joue en défaveur de l'art, voire de l'artiste. Aucune règle, ni échelle, n'est établie pour définir la valeur de telle toile ou telle œuvre. «Nous nous référons à des indices antérieures mettant l'accent sur la qualité, l'esthétique, l'harmonie,... En fait l'artiste connaît parfaitement son produit et donc fixe le prix de vente à sa guise. Il y a aussi le facteur temps. Des tableaux nécessitent de longues heures de travail contrairement à d'autres», nous explique un peintre. «L'artiste n'est pas un commercial dans l'âme, même s'il en existent certains...», ajoutera-t-il. Pour sa part, le prix de ses toiles varie entre 30 000 et 60 000 DA. Il n'en vend pas beaucoup. «Un tableau au Palais du bey à un Français et deux autres à l'hôtel Cirta à deux Japonais», lâchera-t-il. C'est maigre... Les institutions doivent encourager l'art en consacrant un budget pour l'acquisition d'œuvres d'artistes locaux qui agrémenteront les halls et bureaux, dira un autre plasticien. Et là l'association à un rôle à jouer en contribuant à la création de ce marché, en promouvant les artistes et en travaillant à la création d'espaces d'exposition dans la ville, qui en manque cruellement... C'est là les jalons du marché de l'art. N. H.