«Des lacunes dans les procédures de recouvrement amiable et forcé par rapport au cadre légal et réglementaire ont entraîné d'importants Restes à recouvrer (RAR) qui ont cumulé 7 937 milliards de dinars», soit près de 100 milliards de dollars, de fiscalités, a révélé un rapport d'appréciation de la Cour des comptes sur l'exécution du budget 2011. Ce chiffre est le résultat du cumul des impôts non recouvrés durant plusieurs années, car les RAR ne sont pas effacés mais reportés sur l'exercice suivant. Si on pose que ce cumul représente l'additionnement des RAR depuis 1962, on aura une moyenne de 2 milliards de dollars par an que les caisses de l'Etat n'ont pas perçus. D'ailleurs, l'institution de contrôle des finances publiques, qu'on ne peut suspecter d'exagération ou d'alarmisme, donne une idée sur ce trou noir qui a aspiré près de 8 000 milliards de dinars en indiquant que ces RAR représentent plus de deux fois les recettes générales de l'Etat pour l'année 2011 (3 474 mds de dinars), cinq fois les recettes fiscales (1 511 mds de dinars) et plus de trois fois les revenus enregistrés au titre du Fonds de régulation des recettes, évalués à 2 300 mds de dinars. Quant aux causes de ce cumul faramineux de fiscalités non recouvrées, le rapport de la Cour des comptes pointe «les insuffisances en matière de poursuite» et le «manque de rigueur». Autrement dit, l'homme est le premier responsable et l'artisan de ce gouffre financier. L'article du code des procédures fiscales qui institue les poursuites judiciaires en cas de non payement des impôts n'est pas toujours appliqué par les receveurs des impôts qui, pourtant, ont un texte juridique les autorisant et leur intimant de prendre des mesures telles que la fermeture temporaire, la saisie et la vente aux enchères du patrimoine en cas de refus du contribuable de s'acquitter du payement de ses impôts. Le résultat est l'accumulation par le report d'année en année des RAR, jusqu'à ce qu'on atteigne ce pic de 7 937 milliards de dinars que le Trésor n'a toujours pas empoché. Pis, la Cour des comptes a même mis le doigt sur une fiscalité qui échappe au contrôle de l'administration fiscale. Sans l'écrire noir sur blanc, elle le suggère en filigrane en recommandant la généralisation des systèmes de comptage sur l'ensemble des gisements d'hydrocarbures en exploitation pour mieux contrôler les déclarations fiscales sur le chiffre d'affaires de Sonatrach et de ses associés. Mais Sonatrach et ses partenaires ne sont pas seuls en cause. L'Etat a sa part de responsabilité, qui n'est pas minime, dans les insuffisances relevées par la Cour des comptes dans la gestion des services chargés du recouvrement de la fiscalité pétrolière. «L'administration fiscale ne dispose pas de moyens appropriés pour vérifier les déclarations fiscales», indique son rapport. Et c'est peu dire. Le service de la fiscalité pétrolière chargé de la gestion et du suivi des dossiers fiscaux ne compte en tout et pour tout que trois agents seulement et l'administration fiscale n'a aucune structure centrale pouvant assurer le contrôle et le suivi des flux des produits pétroliers. Le rapport enfonce le clou en soulignant que la Direction des grandes entreprises (DGE) n'assume pas pleinement ses missions quant à la gestion des dossiers fiscaux et au contrôle des déclarations fiscales. Pour 2011, la DGE n'a procédé à aucun redressement relatif à la détermination du chiffre d'affaires des compagnies pétrolières. Les seuls redressements durant cette année ont, tous, porté sur la TVA sur des importations ou sur des achats locaux. Clairement dit, on ne sait toujours pas ce qui est produit dans le secteur pétrolier et ce qu'on doit imposer. C'est la porte ouverte à tous les abus, détournements, malversations, trafics et corruptions. Sonatrach I et II sont un exemple parmi tant d'autres des dérives qu'autorise cette opacité dans la gestion et le contrôle des deniers de l'Etat qui s'étend à d'autres secteurs. Comment ne pas finir avec un trou dans le Trésor ? Et le trou est bien plus grand que ne le disent les chiffres de la Cour des comptes qui, comme le souligne un analyste, n'intègre pas les centaines de milliards de dinars en circulation dans la sphère informelle et échappant à tout contrôle et statistique. Quant à cette économie souterraine, son éradication ou son intégration, et son encadrement, c'est une autre question qui a déjà été traitée en long, en large, en travers et en profondeur, du moins celle autorisée par le peu de données disponibles. Et la responsabilité de l'Etat est, à chaque fois, apparue pleinement engagée. Après tout, un trou a besoin de quelqu'un pour le creuser comme il a besoin de quelqu'un pour le combler, sauf si on veut le garder béant... H. G.