Nasser Hannachi La bataille de la socialisation de la culture est à mener. Des activités culturelles à travers tout le territoire du pays et tout au long de l'année restent un vœu pieu qui attend encore et toujours sa concrétisation. Les programmes abondent, mais les disparités entre les régions persistent. Une autre démarche s'impose afin de diffuser les arts partout, surtout dans les contrées où les jeunes passent leurs journées à ne rien faire. Pourtant, les moyens sont disponibles pour offrir à la plus petite agglomération, au moins, une maison de la culture, avec les équipements et le matériel nécessaires pour assurer un minima d'activités culturelles. Or, pour l'heure, la culture est concentrée dans les grands centres urbains et les chefs-lieux de wilayas. Constantine ne fait pas exception. L'activité culturelle prédomine dans la ville, qui est aussi le chef-lieu de la wilaya, et se fait rare alentour. La culture vit intra-muros, elle est ancrée dans la cité millénaire. Le vœu des responsables de faire sauter ce carcan qui empêche la culture de sortir des murs de la ville est loin d'être exhaussé. Il y a bien quelques échappées et tentatives de socialisation de la culture à travers les tournées des bibliothèques mobiles et la décentralisation d'une partie des activités de certains festivals à des communes voisines, mais on est loin de l'activité foisonnante pérenne. On évoque souvent l'incapacité des communes à abriter des évènements, et cette problématique est actuellement au cœur des débats. En effet, l'écart est énorme en termes d'infrastructures culturelles. Du coup, la jeunesse est cloitrée entre des promesses redondantes d'un avenir meilleur et un présent d'une platitude affligeante. Point d'innovation ni d'appui émanant de la wilaya. C'est un constat moult fois réitéré lors des divers conclaves. En attendant que du concret sorte de ces débats, réunions et rencontres, les municipalités les plus reculées telles Ouled Rahmoune, Zighoud Youcef, Messaoud Boudjeriou, Hamma Bouziane,... vivent un désert culturel où seules quelques oasis émergent avec des programmes conjoncturels inscrits dans des grilles somme toute basiques ne reflétant guère «l'élite» culturelle et la «qualité» artistique culturelle qui est servie au chef-lieu de la wilaya. La dernière édition du Festival international du malouf de Constantine a illustré cette disparité. La programmation d'une soirée dans chaque commune n'a donné qu'un petit aperçu de la manifestation qui se déroulait dans la ville. D'autant plus que certains artistes, en dépit du cachet alléchant qu'ils ont perçu, se sont montrés réticents pour aller se produire dans ces villages perdus. Il a fallu leur forcer la main. Et ils trouveront argument pour défendre leur position avec l'absence du public, les citoyens n'ayant pas été informés ou ayant autre chose à faire. Cette situation ne doit cependant pas être considérée comme une cause mais comme une conséquence de la désertion de la culture. Aussi, ne devra-t-elle pas être retenue comme une raison de maintenir à l'écart les populations rurales ou les habitants des villes et villages excentrés. La socialisation de la culture se gagne avec le temps et les idées. Il est nécessaire d'innover et d'apporter à chaque fois des correctifs pour permettre aux arts, dans leurs différentes expressions, de trouver une scène, un public et d'être au diapason des attentes de leurs consommateurs, diront quelques jeunes artistes débutants qui ne demandent qu'à avoir une scène. «On doit aussi changer les mentalités pour propager la culture à travers toutes les localités de la wilaya. Malheureusement, devant les problèmes de développement et de chômage auxquels les populations sont en bute, la culture reste la dernière roue de la charrette dans tous les projets et perspectives», soutiennent-ils encore. Mais que font donc l'Assemblée populaire de wilaya (APW) et toutes ces Assemblées communales (APC) qui devraient être les premières à réagir et travailler à faire disparaître cette disparité culturelle ? Beaucoup plus préoccupées par la notion des «moyens» que par celle des idées à faire valoir pour présenter tel ou tel projet impactant un large audimat, elles sont embourbées dans ces débats et réunions à n'en plus finir, mais d'où rien de concret n'est encore sorti. C'est dire que la collectivisation de l'évènementiel n'est pas seulement tributaire des aires et espaces de show. La mise en place, il y a plus de trois années, de l'Office communal culturel, qui est chargé de la répartition des plans et de l'organisation des rendez-vous culturels, a piétiné sans apporter ses fruits dès lors que l'hôtel de ville principal patauge dans des déboires relatifs aux budgets et à la gestion de tous les dossiers. De l'avis de quelques élus à l'APW, les communes doivent revoir l'organisation de leur composante humaine afin de valoriser toutes les infrastructures culturelles, maisons de jeunes, centres culturels, auberges de jeunesse..., et les faire vivre. Lorsqu'on sait qu'au niveau de la ville des imperfections sont enregistrées parfois dans l'évènementiel en dépit d'alléchantes enveloppes financières, on ne peut que s'attendre à des catastrophes dans les régions dépourvues de tout. La gestion des espaces culturels nécessite des professionnels et des compétences qui soient en adéquation avec les nouvelles donnes de management. Constantine ne possède pas cette ressource humaine hautement qualifiée, mais elle peut l'avoir. Et les retombées sur les communes en sont évidentes. L'autre frein à la bonne répartition culturelle est le statut même de la culture qui est jugé secondaire. Il y a d'autres priorités qui la font passer au dernier plan. «La préoccupation de l'heure est la réalisation de logements dans des daïras en manque. C'est la volonté et la proposition de l'Assemblée populaire de wilaya qui a paraphé le futur programme s'inscrivant dans ‘‘Constantine, capitale de la culture arabe 2015''», nous dira un élu local, ajoutant que la commune du Khroub a bénéficié de près de 50% des projets culturels en raison de sa capacité d'accueil. En outre, il est programmé la réalisation de six annexes de la Maison de la culture (Khroub, Aïn Abid, Hamma Bouziane, Ibn Ziad, Zighoud Youcef, Ali-Mendjeli). Ces infrastructures permettront une connexion optimale entre les sphères locales et boosteront assurément l'action culturelle dans la wilaya. Sans initiatives et créations en continu, essence de toute démarche culturelle, les chefs-d'œuvre architecturaux se contenteront de leur aspect combien même esthétique, mais muet. N. H.