La déclaration d'utilité publique, dans tous les pays du monde, est souvent invoquée dans l'expropriation de terrains privés afin d'aménager des équipements indispensables à l'ensemble de la communauté. Bâtir une école, ériger un hôpital, ouvrir une route, développer des réseaux de distribution d'eau, de l'électricité ou du gaz, sont des projets vitaux qu'on ne peut ajourner à cause d'un lopin de terre litigieux qui appartiendrait à un particulier. Après enquête dûment menée, la parcelle en question est immédiatement versée au patrimoine collectif après dédommagement équitable du propriétaire. Il appartient au système judiciaire de fixer, en toute transparence, la contrepartie en question. C'est la loi qui le dicte, l'intérêt général prime sur toute considération individuelle. En théorie, la chose est convenue. Mais dans les faits, on a beaucoup de mal à la faire admettre aux Algériens. A travers tout le pays, des projets essentiels sont mis à l'arrêt depuis des lustres à cause de ce type d'oppositions. Et, l'Etat, les autorités locales en premier, ne fait rien. Toute patience ayant ses limites, les populations investissent la rue au final pour revendiquer leur droit légitime à une vie meilleure. C'est ce qui s'est passé cette semaine à Béjaïa où les populations des quatre localités du littoral (Souk El Thenine, Lota, Melbou et Tamridjt) ont hermétiquement bloqué la circulation sur les RN9 et 43, afin de dénoncer l'arrêt du projet d'alimentation de la région en gaz de ville depuis, tenez-vous bien, plus de trois ans ! Cette action extrême, intervenant après moult réclamations et autres démarches pacifiques, a causé beaucoup de tort à des milliers d'automobilistes. Un propriétaire terrien dans la commune voisine d'Aokas oppose un niet catégorique à la Sonelgaz qui lui avait, pourtant, proposé une indemnisation se chiffrant en milliards de centimes avec appartements et locaux commerciaux par-dessus le marché ! Le bonhomme veut plus pour sa poignée de poussière. C'est absolument révoltant ! Dans pareil cas, l'autorité publique (le wali et les maires de la région) doivent, en principe, s'autosaisir pour libérer le projet quitte à user de la force publique. Afin de dépasser ce genre d'écueils, le gouvernement avait procédé en 2008 à la refonte des textes régissant le foncier (étatique ou privé) d'utilité publique. Les walis avaient vu, alors, leurs pouvoirs élargis en la matière pour accélérer la réalisation des infrastructures d'intérêt général en renvoyant les longues procédures de dédommagement devant la justice. En accordant la priorité à l'utilité publique, l'Etat laisse cependant aux propriétaires le droit de se défendre a posteriori pour avoir une meilleure indemnisation. Ainsi, le chantier poursuivra son cours normal et le plaignant aura tout le temps devant lui pour obtenir la réparation prévue par la loi, non celle souhaitée. La question qui se pose est la suivante : qu'attend l'Etat pour exercer ce pouvoir qui énonce clairement la primauté de l'intérêt général sur la considération individuelle ? Les milliers de citoyens mécontents parlent, eux, de faiblesse de l'Etat. Et, ils ont, ma foi, raison ! K. A.