Des vœux de nouvel an «étymologiques» pour Dalil Boubekeur, histoire de sortir de la routine et coller à une actualité subitement envahie par des bizarreries qu'on préférerait mettre sur le compte de la fatigue accumulée tout au long de l'année. Bon républicain loyal et, surtout, très respectueux de la laïcité censée fonder le modèle sociétal français, le recteur de la Grande Mosquée de Paris peut ainsi entretenir de bonnes, voire d'excellentes, relations avec l'Elysée, Matignon et tout le reste des institutions. Peu importe qu'elles soient aux mains de la droite ou de la gauche. L'essentiel, pour le fils et successeur au rectorat du prestigieux lieu de culte, de l'érudit Hamza Boubekeur, est de maintenir le navire amiral de l'islam français loin des tumultes et des coups de boutoir des boutres qui veulent être ses remorqueurs. C'est que la diplomatie, avant même la maîtrise exégétique, paraît être aujourd'hui la qualité première pour présider à l'office d'un lieu de culte chargé d'histoire. L'on ne s'étonnera pas donc, une fois qu'on a dit cela, des controverses qui ont parfois accompagné les propos et déclarations de cet homme, à la fois docteur de la foi et docteur en médecine, science qu'il enseigna à l'université et dans les CHU parisiens. Son dernier communiqué, bien repris par la presse, comme c'est souvent le cas, est une irruption dans un débat qui ne présente d'aspect religieux qu'en creux. Le geste d'Anelka, pour saluer un but qu'il venait de marquer, fin décembre, en championnat d'Angleterre, a aussitôt ouvert une polémique sur toile de fond dominée par l'humour de Dieudonné. Ce geste, c'est celui de la fameuse quenelle popularisée par l'artiste pour tourner en dérision un sionisme qui veut bannir toute critique le visant. Antisioniste, Dieudonné M'bala M'bala, le reconnaît et le revendique. Antisémite, il n'y a que les sionistes et leurs partisans qui le voient ainsi. Et quand on connaît l'emprise des sionistes, par ailleurs les plus grands chantres d'Israël dans les médias français, on est obligé de reconnaître que le racisme et l'antisémitisme ne sont ici que des sempiternels motifs invoqués pour étouffer toute voix qui chanterait ou chantonnerait un autre air. Le geste du footballeur ami de l'humoriste et militant s'apparente à un bras d'honneur inversé et serait d'origine nazie, explique le recteur de la Grande Mosquée. Digression «étymologique» dont on ne voit pas ce qu'elle vient y faire. Ni les juifs ni leur religion et encore moins l'islam ou la laïcité ne sont visés par ce pied de nez fait avec les mains (sic). Popularisé et intégré dans une gestuelle de défiance, il se veut une moquerie contre l'establishment d'une bien-pensance toute à la dévotion de l'Etat hébreux négateur des droits des Palestiniens. D'un point de vue politique strictement français, Dalil Boubekeur n'est peut-être pas en faute en manifestant son opposition à ce «jeu de mains», mais il aurait gagné à pousser plus loin son souci d'équilibre diplomatique. En défendant, par exemple, le droit à la liberté d'expression pour Dieudonné et tous ceux - et ils sont nombreux- qui voudraient placer un mot dans les grands médias sur les droits des Palestiniens. Un certain nombre de personnalités françaises ont eu cette prévenance, ne critiquant Dieudonné qu'en réaffirmant son droit à la liberté d'expression. L'un n'ayant rien à voir avec l'autre, un fait curieux et plutôt inattendu s'était produit quelques jours auparavant dans la salle de prières de la Grande Mosquée. Un groupe de femmes, des fidèles habituées du lieu et regroupées dans un collectif dénommé «Les Femmes dans la Mosquée», s'était bruyamment manifesté pour contester la décision de les reléguer dans le sous-sol de la mosquée pendant l'accomplissement de la prière. En raison, semble-t-il, de leurs jacasseries incommodantes pour les prieurs. Rien à voir avec les Femen, certes, mais une action d'éclat qui a trouvé écho dans les journaux. Les pratiquantes contestataires ont partiellement obtenu gain de cause : elles sont autorisées à faire la prière à côté des hommes, mais elles en sont séparées par un rideau. Et l'égalité homme-femme, qu'en fait-il, M. Dalil Boubekeur ? Dans les églises de France et de Navarre, loi de 1905 ou pas, femmes et hommes suivent l'office côte à côte. Allez, et si on se disait «Boune anni», c'est pas Boko Haram !? A. S.