A quelques semaines de l'élection présidentielle, Amar Saâdani, secrétaire général contesté du FLN, dresse dans un entretien au site TSA un réquisitoire en règle contre les services de renseignements algériens et leur chef, le général Toufik. Il ne s'agit pas d'allusions ou de messages codés, c'est une charge directe qui accuse non seulement le DRS de manipuler le champ politique mais aussi d'incompétence dans son domaine par excellence. L'analyse la plus prudente de cette charge ne peut qu'y voir un aiguisement des contradictions au sein des composantes du système au sujet de la reconduction ou non d'Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat. Amar Saâdani se pose en «soldat» de Bouteflika et en défenseur d'un FLN «indépendant». Le groupe de Belayat qui le conteste ? Rien que des «chargés de mission» de «Si Ali qui est le général Toufik». «Belayat travaille sous les ordres de Si Toufik. Ce dernier est impliqué dans cette tentative de déstabilisation qui vise le parti et son secrétaire général», accuse Saâdani qui a tenu à distinguer «le département de la sécurité intérieure» des deux «autres départements du DRS qui sont la sécurité militaire et la sécurité extérieure». Le secrétaire général du FLN dresse un état des «méfaits» de la «sécurité intérieure» qui rendent pâlichons les critiques des opposants traditionnels du système. Ce département de la sécurité intérieure «a gardé toujours un lien et une proximité avec la classe politique, la presse et la justice» et interfère «dans le travail de la justice, des médias et des partis politiques». Il affirme que des colonels ont approché des membres du Comité central pour le destituer. «La sécurité intérieure ne peut pas nier qu'elle agit sous les ordres du général Toufik». UN BILAN NOIR «Ce département outrepasse ses prérogatives», a affirmé Saâdani en dressant une image tentaculaire d'un DRS dont les «agents sont partout : dans les APC, la présidence, au sein des partis politiques». Mais la charge ne se limite pas seulement au général Toufik, c'est la performance même du DRS qui est mise en cause par le SG du FLN. Saâdani dresse en effet un bilan noir de ce qu'il considère comme des échecs du DRS qui a «failli» dans la «protection et la sécurité du président Mohamed Boudiaf», «n'a pas protégé Abdelkader Benhamouda, ni les moines de Tibehirine, ni les bases de pétrole dans le Sud, ni les employés des Nations unies en Algérie, ni le Palais du gouvernement». Le DRS, affirme-t-il, n'a pas su non plus «bien protéger le président Bouteflika à Batna où il avait été la cible d'une tentative d'assassinat». Conclusion : «Toufik aurait dû démissionner après ces échecs». Refusant l'interférence du DRS dans les affaires du parti, il l'invite «à s'occuper des questions sécuritaires». Jamais un politicien du FLN n'est allé aussi loin dans la charge contre le «système DRS», une critique en général réservée aux opposants les plus résolus du système. C'est le rôle «classique» du DRS dans le système en place qui est attaqué qui ne comprend pas ce que «fait un colonel au Sénat» et pourquoi il aurait le droit d'assister aux réunions du comité central d'un parti. Cela va jusqu'aux écoutes téléphoniques et aux enquêtes d'habilitations qui empêchent des cadres d'exercer s'ils n'ont pas l'avis favorable du colonel». TENSIONS DANS LE SERAIL Il est difficile de croire à la reconversion subite d'Amar Saâdani en démocrate exigeant, sa charge, forte et sans précédent contre le DRS, est directement liée à la bataille feutrée qui se déroule au sein du système au sujet du 4ème mandat. «Nous, au FLN, voulons que le général Toufik cesse de s'immiscer dans les affaires du parti. En fait, lui, n'est pas en position de dire oui ou non à la candidature du président Bouteflika à la prochaine présidentielle». Saâdani va jusqu'à affirmer que les affaires de corruption sont des inventions du DRS. Même la mise en cause de Chakib Khelil, pourtant venue à la suite de révélations en Italie, est imputée à des manipulations du DRS. «On a fait éclater, soi-disant, le scandale de Sonatrach pour cibler Chakib Khelil qui est l'un des cadres les plus intègres et le plus compétent de l'Algérie. C'est à son époque que Sonatrach a doublé sa production et que le pays a épuré sa dette». C'est sans doute à ce niveau qu'Amar Saâdani en fait trop. Même l'extradition de Khalifa Abdelmoumen par les Britanniques est présentée comme faisant partie d'une manœuvre contre le président. Amar Saâdani a-t-il brûlé ses vaisseaux ? Il prend les devants en tout cas en lançant une accusation: «Si un mal m'arrive, ce sera l'œuvre de Toufik!». Décidemment, ça chauffe fort dans les couloirs du régime