Louisa Hanoune, c'est «qui s'y frotte s'y pique». Homme poli, le général de corps d'armée, Gaïd Salah, a bien voulu accorder à la porte-parole du Parti des travailleurs (PT) l'audience qu'elle avait sollicitée cinq mois plus tôt. Ayant pris goût à l'art de se faire mousser depuis qu'elle a changé son fusil d'épaule(s), son entretien avec le chef d'état-major de l'armée algérienne n'a été un événement que pour elle-même. À en juger, du moins, par le compte-rendu qu'elle en a dressé, seule, en l'absence de communiqué de l'autre partie. Franchement, que pouvait lui dire d'autre le vice-ministre de la Défense nationale en dehors d'un rappel convenu des grands principes qui fondent la mission de l'ANP, notamment la non-ingérence dans les affaires politiques, la défense du territoire et l'accomplissement des missions sécuritaires qui lui sont dévolues ? L'armée n'est pas «la grande muette» pour rien et ses galonnés ne retrouvent la parole qu'une fois versés dans la vie civile. Et là, nous sommes plutôt bien servis : le général Khaled Nezzar, en plus de ses contributions récurrentes dans la presse, a sorti plusieurs livres depuis son départ de l'armée, d'autres anciens officiers généraux se rattrapent de leur mutisme imposé par le devoir de réserve en s'engageant carrément dans les débats politiques de l'heure, ne répugnant pas, pour certains d'entre eux, à descendre dans l'arène de la compétition. À défaut d'être les porte-parole de l'institution militaire, ils ne se privent pas néanmoins de dire quel rôle elle devrait jouer dans certaines conjonctures particulières. Cela dit, les partis et personnalités politiques, les analystes, la presse... ont toute latitude pour discourir et commenter. Personne n'osait prononcer le nom de Kasdi Merbah, patron de la Sécurité militaire, celui du général Mediène dit Toufik, chef du DRS, est sur toutes les lèvres, y compris celles qui devraient avoir la décence d'oublier jusqu'à son existence quand elles se mettent à cracher dans la soupe. Comme quoi, il ne faut pas se tromper d'interlocuteur quand on veut percer le mystère des intentions d'une institution réputée «colonne vertébrale» du système et de ses institutions. Pour en savoir plus, il est parfois préférable de s'adresser à la périphérie de ses retraités ou à ceux qui veulent croiser le fer avec elle, secrétaire général du parti du FLN exclu pour cause de «parlage» (sic) pour d'autres qui le remontent comme un réveil qui rend mal la sonnerie. Sphinx imperturbable depuis des lustres, un ancien chef de gouvernement, officier supérieur de l'ANP issu de l'ALN, est sorti à son tour, hier, de la réserve qu'il s'était imposée. Sa prise de position sur la présidentielle prévue le 17 avril prochain était attendue, voire souhaitée. Mouloud Hamrouche, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a fait une déclaration écrite dans laquelle la centralité de la place de l'armée est évoquée en des termes qui ne laissent subsister aucune équivoque sur les missions qu'il lui entrevoit pour le présent et le futur. En filigrane, et par rapport aux divergences apparues au grand jour au sommet du pouvoir, il explique la crise actuelle par une absence de consensus et de compromis, ceux-là mêmes qui étaient cultivés et privilégiés «à chaque étape et chaque crise (par) ces hommes (qui) ont su préserver l'unité des rangs, la discipline et transcender tout clivage culturel, tribal, régional en préservant l'identité et le projet national». Mais cette transcendance qui a sauvé «la renaissance de l'identité algérienne et le projet national» n'a été possible, d'après Mouloud Hamrouche, que grâce à «l'Armée de libération nationale, puis l'Armée nationale populaire» qui les ont successivement «cristallisés, abrités et défendus». Sur un plan purement sémantique, les qualificatifs «tribal», «régional», l'évocation des «différents intérêts de groupes, de régions et de minorités» qui doivent «être préservés et garantis», sont un vocabulaire trop inhabituel dans la bouche de nos politiques pour ne pas y voir une allusion à des situations de mécontentement, désaccords, reproches qui empoisonnent le climat social et politique. En arrière-plan, l'enjeu de la sécurité est souligné dans l'obligation faite à l'Etat de «préserver tous les droits et de garantir l'exercice de toutes les libertés», conditions nécessaires pour «renforcer les avancées, corriger les distorsions et éliminer les failles». Une déclaration écrite n'est pas nécessairement une déclaration d'intention et il est sans doute hâtif d'y voir un signe d'une volonté de Mouloud Hamrouche de briguer la magistrature suprême. Mais comment perdre de vue, par ailleurs, la lourdeur du climat, les tiraillements, les tensions qui caractérisent l'approche d'une échéance (élection présidentielle) dont on nous assure de la régularité tout en entretenant autour d'elle la confusion et sans qu'un effort soit fait pour lever les incertitudes et ambiguïtés qui semblent être sciemment entretenues ? Si elle n'est pas révélatrice d'une intention de candidature, la déclaration de l'ancien chef de gouvernement n'en sonne pas moins comme une mise en garde contre certaines formes de dévoiement. A. S.