“Pour être porteuse d'alternative et annonciatrice d'issue, l'élection présidentielle à venir devra s'organiser en rupture avec les pratiques et mécanismes enracinés de la fraude.” L'ancien Chef du gouvernement pose d'emblée ses conditions. Après avoir longtemps hésité, Mouloud Hamrouche décide de se jeter dans la bataille pour l'élection présidentielle, mais non sans poser “ses conditions” à même de garantir un scrutin transparent. Peu prolixe en déclarations et en sorties médiatiques depuis pratiquement, la dernière élection présidentielle, l'ancien Chef du gouvernement est sorti, hier, de sa réserve pour se prononcer sur la situation générale du pays et plus particulièrement sur les soubresauts qui agitent la scène politique nationale. Expliquant, dans une déclaration rendue publique hier, sa vision pour assurer l'organisation d'un scrutin “véritablement libre”, le chef de file des réformateurs pose deux principales conditions quant à son éventuelle candidature à la magistrature suprême. La première, partagée par la quasi-totalité de la classe politique, a trait à la neutralité de l'administration organisatrice de ce rendez-vous. Et la seconde, qui constitue un clin d'œil aux dirigeants de l'ANP, concerne le rôle que pourrait jouer précisément l'Armée nationale populaire dans cette importante échéance électorale. À propos du premier point, Mouloud Hamrouche estime que “pour être porteuse d'alternative et annonciatrice d'issue, l'élection présidentielle à venir devra s'organiser en rupture avec les pratiques et mécanismes enracinés de la fraude”. Pour lui, “ceci passe nécessairement par l'organisation d'élections, servies non pas par la multiplication de prétendues commissions ad hoc de contrôle, de changement de ministre ou de gouvernement, mais par une administration d'Etat, restaurée dans la plénitude de ses missions, forcément libérée des injonctions, interférences et manipulations qui la dénaturent et dont les agents et commis devront être protégés par la loi pénale contre tout abus hiérarchique ou sanction pour délit d'opinion électorale”. Toujours dans ce registre, et partant du fait que la fraude a été un phénomène qui a marqué en permanence les élections en Algérie, M. Hamrouche souligne que “nos concitoyens qui récusent la brutalité comme mode de gouvernement et abhorrent les idéologies totalitaires anciennes et nouvelles, refusent les élections factices et désirent édifier une société libre”. En abordant par ailleurs, le thème très controversé de la place que doit occuper l'armée dans un projet de solution à la crise qui secoue le pays, Mouloud Hamrouche se prononce, contrairement à beaucoup d'acteurs politiques, contre un retrait définitif de cette institution de la scène politique, du moins pour ce qui est du court terme. Il considère en effet “vital que l'Armée nationale populaire, en décidant de quitter le champ politique, demeure partie prenante des mécanismes décisionnels déterminants et des choix stratégiques”. “C'est à ces conditions que la prochaine présidentielle pourrait être porteuse d'espoir”, note encore l'ancien chef du gouvernement, comme pour insister sur “ses” exigences pour une participation à la course pour la succession à Bouteflika. Ce dernier, Mouloud Hamrouche ne l'a pas ménagé dans sa déclaration, sans toutefois le nommer. Cependant, il ne manque pas, dans une allusion à la guerre que se livrent les fidèles de Bouteflika et les partisans de Ali Benflis pour le contrôle de l'appareil FLN, dont il est lui-même issu, de critiquer violemment les deux parties en conflit. Une manière pour Hamrouche de se proposer en alternative aux deux hommes qu'il descend en flammes, en mettant en exergue les effets négatifs de cette confrontation préélectorale sur le moral des citoyens. “Les convulsions politiques et la fièvre médiatique qui se focalisent, depuis des mois, sur une échéance électorale et une simple question de candidature cachent mal la consommation de l'échec et la consolidation des impasses", soutient-il, estimant que “derrière cette tension artificielle, il y a comme une volonté délibérée de faire croire qu'elles recèlent de graves menaces”. Hamrouche se déclare convaincu que “ces agissements ont pour finalité d'empêcher la société de s'interroger sur les véritables enjeux et défis auxquels elle est confrontée, de défaire toutes les garanties légales et sociales et de masquer la perversion politique, la régression culturelle et la destruction de l'économie”. “Ces polémiques exacerbent les facteurs de division et les régionalismes dévastateurs”, assène encore Mouloud Hamrouche, qui relève, par ailleurs, que “l'heure n'est plus à la cooptation et aux transitions chimères, ni aux élections liberticides”. L'allusion est bien sûr faite en direction de l'armée à qui il est souvent reproché de devenir une “faiseuse de roi”. Ainsi, la candidature de Mouloud Hamrouche commence à se préciser sérieusement. Et la machine semble déjà mise en marche comme le démontre les deux déclarations rendues publiques simultanément par le principal concerné lui-même et le Comité national pour la candidature de l'ancien chef du gouvernement, apparemment tenté par la course à El-Mouradia. H. S.