Au dix-huitième jour de la guerre que livre Israël à Ghaza, le compte à rebours n'a pas encore commencé. Ni pour les opérations militaires ni encore moins pour la politique et la propagande médiatique qui s'en suivent. Si l'attention des médias se concentre essentiellement sur le Caire, la capitale égyptienne, où se déroule une intense activité diplomatique, les yeux d'Israël et d'une partie du monde occidental sont braqués sur les réactions du mouvement islamiste Hamas qui fait face, presque seul, à une puissance aussi ravageuse que celle de l'Etat hébreu. Bien que le mot d'ordre chez les dirigeants de ce mouvement qui gère -encore seul- la bande de Ghaza depuis qu'il a «chassé» l'autorité incarnée par le président Mahmoud Abbas vers la Cisjordanie est «la poursuite» de la résistance, des contradictions sont apparues dans leur discours, que l'on soit au cœur de Ghaza ou encore en exil, notamment à Damas, en Syrie. Plus libre dans ses mouvements et déclarations, le chef du bureau politique du mouvement de résistance palestinienne, Khaled Mechaal –exilé à Damas- prône une ligne dure et ne veut pratiquement rien entendre. «Nous demandons l'arrêt immédiat de l'agression, le retrait immédiat des forces israéliennes de Ghaza, la levée du blocus et l'ouverture de tous les points de passage. Nous discuterons ensuite d'une trêve», déclarait-il, en effet, à la télévision syrienne le samedi 10 janvier, pendant que des centaines de ses concitoyens périssaient sous les bombardements de l'armée sioniste. S'il est intransigeant, le dirigeant du mouvement sait pertinemment que sa résistance ne doit pas montrer des signes de faiblesse devant un ennemi hautement plus puissant et largement mieux équipé. Mais a-t-il les moyens de se montrer aussi pugnace ? La question n'est apparemment pas là, mais Khaled Mechaal ne veut pas entendre parler d'une reddition, et encore moins d'une abdication, surtout lorsqu'on lui demande d'observer une trêve longue ou d'un cessez-le-feu unilatéral. C'est de bonne guerre. Mais ce qui peut poser un problème -ne serait-ce que sur le plan de la crédibilité-, c'est cette autre déclaration d'un autre poids lourd du Mouvement islamiste. Deux jours, en effet, après les déclarations de Mechaal, le chef du gouvernement Ismaïl Haniya -resté, lui, à Ghaza malgré la dangerosité de la situation- a fait entendre un autre son de cloche, notamment en ce qui concerne la proposition de trêve égyptienne. Le responsable politique de la bande de Ghaza a avancé que son mouvement est prêt à «examiner d'une manière positive toute initiative susceptible de mettre fin à cette agression et à l'effusion de sang de nos enfants». Est-ce le signe d'une direction à deux vitesses ? C'est ce que laissent entendre des responsables israéliens qui profitent de ces contradictions langagières pour parler carrément de «dissensions» au sein du mouvement de résistance. S'il ne s'agit pas de dissensions profondes, la différence des visions entre les différents dirigeants du Hamas peut être à l'origine de ces contradictions. Car le tempérament et le parcours des deux dirigeants peuvent largement expliquer cette situation. Parce qu'on a, d'un côté, un Khaled Mechaal, partisan de la ligne dure, et, de l'autre, un Ismaïl Haniya, un homme de compromis qui ne s'interdit presque rien, l'essentiel étant d'arriver à un objectif final : la libération de son pays. A cela s'ajoute la perception que les deux responsables (tout comme d'autres aussi, à l'image de Mahmoud Zaher, le chef de la diplomatie) ont de la situation sur le terrain. Parce qu'il peut paraître plus facile à Khaled Mechaal d'être plus radical à des centaines de kilomètres, tandis que Haniya est plus près du terrain des opérations, donc plus sensible aux souffrances des populations de Ghaza. Sauf que, malgré les différentes déclarations, Mechaal et Haniya sont d'accord sur l'essentiel : la poursuite de la lutte et la libération de la Palestine. A. B.