«Boycott, boycott... pour l'Algérie». Sous ce slogan, environ 3 000 personnes, réunies à la salle Harcha, hier, ont appelé à un boycott actif de la prochaine élection présidentielle du 17 avril. Ce meeting a été marqué surtout par la présence forte et significative des chefs de partis d'obédience islamiste, notamment Abderrazak Makri (MSP), Mohamed Douibi (Nahda), Abdallah Djaballah (El Adala), aux côtés de Mohcine Belabès (RCD) et Soufiane Djilali (Fajr el Jadid), et des personnalités politiques, à l'instar de l'ancien chef du gouvernement Ahmed Benbitour et de Saïd Sadi. C'est par la symbolique de l'hymne national et une minute de silence observée à la mémoire des martyrs de l'Algérie, que les organisateurs ont choisi de commencer leur démonstration de force. Ils ont certes appelé au boycott, mais aussi voulu démontrer que des partis de courants antinomiques et aussi divers que les islamistes et laïcs, que rien ne peut rassembler en apparence, peuvent unir leurs efforts autour d'un mot d'ordre. Leur leitmotiv : «Sauver l'Algérie» du danger que représente la prochaine élection, ont clamé les différents intervenants qui, tour à tour, ont dit tout le mal qu'ils pensent de la prochaine échéance, et du système qu'ils vilipendent au point de le vomir. Dans la salle, une foule hétéroclite, essentiellement des sympathisants et militants du MSP et du RCD, mais chauffée à blanc, répondait souvent aux harangues, comme au bon vieux temps, de chefs islamistes et démocrates. Des slogans criés ou portés sur les pancartes dont on pouvait reconnaître les auteurs. «Le peuple veut la chute du régime», d'un côté, et «djazair, horra, démocratia (algérie, libre et démocratique» et «assa, azzeka», de l'autre côté. La dichotomie apparait fortement, en dépit des discours qui se veulent rassembleurs contre le pouvoir et le système. L'entrée groupée des chefs des partis susmentionnés, sous les ovations, était l'illustration du front uni qu'on voulait bien nous présenter. Gâté par le tirage au sort entre intervenants, Djilali Soufiane, prendra en premier la parole, pour souligner «l'exemple démocratique de l'opposition» en dépit, dit-il, de «l'épouvantail brandi par le pouvoir de subir une situation similaire au chaos, syrien, ou libyen». En glosant sur l'«échec du pouvoir», dont l'illustration serait «un coup de force électoral», l'intervenant a non seulement estimé que «le pouvoir doit partir», mais aussi, appelé l'assistance à l'aider dans sa «conspiration» contre ce même pouvoir. Le président du RCD, Mohcine Belabès, a estimé, quand à lui, que la rencontre était «le début de quelque chose qui n'a jamais eu lieu». Il explique, que la rencontre est «celle d'une Algérie plurielle. C'est un message d'espoir et de tolérance; une preuve que des Algériens avec leurs différences peuvent se rencontrer, échanger et débattre dans la sérénité pour faire sortir leur pays de l'impasse dans laquelle l'a mené un système irresponsable, prédateur, corrompu et corrupteur». Et d'ajouter, plus loin : «Nous sommes venus pour vous dire que le vote dans la conjoncture actuelle est un leurre pour en pas dire une trahison», avant d'appeler à «la mobilisation pour sauver l'Algérie par la mise en place d'une période où nous devons définir, par le débat adulte et loyal, le régime qui nous permettra de parler librement, de nous organiser librement, de manifester librement». Il indiquera encore que «la prochaine élection est un piège et une insulte de plus», et ce , avant de souligner la nécessité d'un changement «pacifique et ordonné» à travers, dit-il, «le boycott massif». La prise de parole du SG du mouvement Nahda, Mohamed Douibi, lui a permis surtout d'exprimer son refus de la corruption et de la bureaucratie. Et tout en rappelant le refus des demandes de garanties pour la régularité du prochain scrutin, a appelé au boycott. Le relayant, le leader du FJD-El Adala, Abdallah Djaballah, a affirmé que «l'Algérie ne fait pas seulement face à un problème de mandat, mais à une crise systémique», en insistant sur le «déséquilibre des prérogatives entre les institutions» et, de là, «l'absence de contrôle sous toutes ses formes», notamment parlementaire. Il préconisera «une réforme radicale du système», qui échoit désormais aux jeunes. Pour Abderrazak Makri, «la rencontre est l'illustration de ce que pourrait être l'Algérie, sans l'intervention du pouvoir dans les affaires des partis». Car, pour lui, «le pouvoir est le plus grand danger pour l'Algérie, sa stabilité, son unité et son économie». En lançant «nous n'allons pas le laisser faire», le président du MSP, devait interagir avec la salle, qu'il haranguera avec des slogans, qu'il lancera en évoquant l'échec du pouvoir. «L'Algérie est libre et démocratique», a-t-il crié avant d'être repris en chœur. Il plaidera pour les libertés démocratiques, et appellera les candidats au retrait. Les quelques résidus du FIS dissous, entourant Ali Benhadj, qui ont enflammé un coin de la salle, ont bien tenté de négocier une prise de parole, mais elle fut refusée par les organisateurs. Enfin, Benbitour a souligné également le comportement civilisé des présents et évoqué un tournant positif. A. R.