Un sit-in mercredi 12 mars. Un meeting le 21. Le Front des partisans du boycott –Ahmed Benbitour, le président du MSP Abderrezak Makri, le secrétaire général d'Ennahda Mohamed Douibi, le président du RCD Mohcène Belabbès, Ismail Saidani de Jil Jadid et Abdallah Djaballah du Front pour la Justice et le développement (El Adala)- faute de réussir pour l'instant à déplacer les foules, s'attellent à ce qui est le plus difficile dans le boycott : faire que la non-participation à l'élection soit «active». «Le boycott est une action politique qui a un coût, explique l'historienne Malika Rahal. Si l'on regarde dans l'histoire de l'Algérie, exception faite des positions du FFS et du RCD, on ne peut pas dire que l'on ait une culture du boycott. Car même avant l'indépendance, le MTLD n'a boycotté qu'une seule fois les élections, en juin 1946. Pourtant, à cette époque, les scrutins étaient largement truqués. Mais renoncer à une élection, c'était renoncer au peu de citoyenneté que leur avait accordé le système colonial. C'est un renoncement très difficile.» D'autant qu'en face, les opposants au boycott contribuent largement à brouiller leur message en développant deux idées. Un, un forfait laisserait le champ libre à Abdelaziz Bouteflika. Deux, que les partis boycottent ou participent, le pouvoir remportera l'élection. CONFUSION Abdesselam Ali-Rachedi, porte-parole du parti Essabil, en est persuadé : «Le remède à la fraude n'est pas de renoncer au vote mais de se mobiliser massivement». Et de s'appuyer sur le bilan du boycott qui «depuis 1990, n'a servir ni à discréditer, ni à délégitimer, ni à affaiblir l'autoritarisme.» Le politologue Abdelaziz Djerad se montre aussi sceptique sur l'impact de cette stratégie, selon lui «précipitée». «L'opinion publique ne comprend pas, relève-t-il. Il aurait mieux valu créer une véritable coalition qui se choisisse un candidat commun.» Si l'on s'en tient aux raisons qui poussent un parti à boycotter –l'impossibilité de dégager un candidat, la peur de ne pas s'imposer à la sortie des urnes, le refus de participer à un jeu fermé- alors pour le politologue Chérif Dris, «les partis du Front sont surtout dans la confusion». «Ils cherchent surtout une façon d'exprimer un message, rejeter le scrutin et dire qu'ils existent, relève-t-il. Pour autant, cela n'enlève rien à la réalité : celle de la fermeture du jeu politique de plus en plus importante au fil des années, ce qui explique l'ampleur du phénomène pour cette élection.» Ce que confirme un militant du MSP. «Si notre parti a choisi de boycotter, c'est parce qu'au fond, il n'a pas réussi à trancher en faveur d'un candidat. Makri n'a pas encore réussi à s'imposer. La stratégie est surtout interne.» Reste que dans un paysage politique où il est impossible d'occuper l'espace public, très difficile d'obtenir des autorisations pour tenir des meetings, en l'absence de cadres politiques suffisamment formés pour sortir des pratiques politiques institutionnalisées (s'exprimer via des communiqués) pour proposer des modes d'expression plus créatifs (organiser des levées de fonds), le boycott reste le seul instrument politique à la disposition des partis.