A. Lemili Le campus Tidjani-Heddam de l'Université Mentouri de Constantine 1 abrite, depuis hier et jusqu'à mardi, les travaux d'un colloque international sur le thème des pratiques plurilingues en Algérie tout au long des cinquante dernières années. Sont présents à cette rencontre scientifique des universitaires tunisiens et français invités, pour la circonstance, par le Laboratoire sciences du langage, analyse de discours, didactique (Sladd). En préambule de l'ouverture officielle des travaux, la professeure Yasmina Cherrad-Benchefra rendra un long et vibrant hommage à l'une des membres fondateurs du laboratoire, en l'occurrence Dalila Morsly. En ce qui concerne le thème du colloque, il s'agit pour de nombreux scientifiques de faire le point sur les pratiques linguistes des Algériens, autrement dit la sociolinguistique. Une question qui leur a fait affirmer «l'hétérogénéité d'une situation plus particulièrement sinon spécifique à l'Algérie qui est depuis l'indépendance, toujours en quête de valeurs, normes sociales, repères adaptés aux besoins et aspirations permettant aux citoyens de vivre leur passé et d'inventer leur avenir». Pour être des scrutateurs directs de ces pratiques plurilingues, les chercheurs évoquent par voie de conséquence «les bouleversements, mutations, évolutions, transformations, changements» qui expliquent des dysfonctionnements hétérogènes corrélables aux pratiques sociales hétérogènes et pratiques linguistiques. «Parmi, les facteurs qui contribuent à l'agencement des systèmes langagiers, on peut citer les politiques linguistiques (arabisation, promotion de tamazight comme langue nationale et comme langue d'enseignement-apprentissage, maintien de la langue française) et les politiques scolaires et éducatives mises en place depuis l'indépendance, ainsi que l'évolution de ces politiques sous la pression des réalités sociales», viennent en appui de l'argumentaire des universitaires du Sladd. Sont, également, évoqués «le développement massif de la scolarité (estimée à 97%) qui s'accompagne de la présence massive des filles dans l'ensemble du système éducatif et en particulier dans le supérieur, qui contribue, par ailleurs, au développement de l'écrit dans la communication sociale, y compris pour les langues réservées jusqu'ici à la communication orale», ainsi que «la déstructuration de la famille patriarcale au profit de la famille nucléaire, dans laquelle les rôles sociaux traditionnellement assignés aux hommes et aux femmes bougent et tentent de se redéfinir», ou encore «les phénomènes de migrations internes qui entraînent une urbanisation massive et par conséquent de nouvelles configurations des rapports villes/campagnes, des pratiques sociales et sociolinguistiques». Sont cités à cet effet de nombreux travaux de chercheurs-universitaires nationaux et étrangers. Dalila Morsly, de l'Université d'Angers, sera la première à communiquer dans ce colloque, axant son intervention sur l'aspect kaléidoscopique du plurilinguisme dans la société algérienne avec force détails et en recourant à des vidéos imagées, comme cette illustration prise à l'intérieur de l'université de Tizi Ouzou et son florilège de panneaux d'indication en langue nationale, en tamazight et en français. La chercheuse soulignera que désormais ce ne sont plus seulement les journaux qui ont le monopole du plurilinguisme, mais aussi les médias sonores et télévisuels, recourant dans la foulée à une plage publicitaire autour d'un produit laitier national ou à l'explication d'un cours de tamazight dans un établissement scolaire dans la wilaya de Tébessa. Elle évoquera l'influence des flux migratoires urbains et ruraux sur les pratiques langagières ou encore l'importance de la diglossie chez certains groupes sociaux de la population.Rappelons enfin qu'en plus des communications, se dérouleront des ateliers dans lesquels seront consacrées une vingtaine de minutes pour chaque intervenant et une dizaine de minutes pour d'éventuels débats. Nous en citerons : «Politique linguistique en Algérie : entre le monolinguisme d'Etat et le plurilinguisme de la société», «Approche des pratiques linguistiques en Kabylie», «Arabisation de l'environnement en Algérie : ordre, désordre ou échec d'une politique linguistique», «Le français cassé chez les jeunes Algériens : pratique sociolinguistique au service de l'humour». A. L.