La réforme de la Constitution sera le premier chantier auquel s'attaquera le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, après sa réélection pour un nouveau mandat de cinq ans. Le président Bouteflika a en effet affirmé, hier à Alger, à l'occasion de la cérémonie de son investiture, qu'il relancera «sous peu» le chantier des réformes politiques pour aboutir à une révision constitutionnelle «consensuelle». «C'est avec la volonté résolue de renforcer notre entente nationale et faire franchir de nouvelles étapes qualitatives à la démocratie, que je relancerai sous peu, le chantier des réformes politiques qui aboutira à une révision constitutionnelle consensuelle», a souligné le chef de l'Etat dans son discours. Le président Bouteflika a ajouté que «les forces politiques, les principales représentations de la société civile ainsi que les personnalités nationales seront conviées à s'associer à cette entreprise de première importance». À priori, cette annonce de nouvelles consultations portant sur des réformes politiques intervient dans le sillage du parachèvement des reformes annoncées par le président Bouteflika, dont le processus a commencé par la promulgation d'un pack de réformes, pour s'achever par «une révision profonde et globale» de la Constitution. Mais, elle fait suite, soulignons-le aussi, subséquemment à la demande de nombreuses formations politiques et de représentants de la société civile. Le Président semble, dans ce sens, accéder à une demande de certains acteurs politiques qui se sont plaints du fait que la majorité au Parlement ait vidé les lois des réformes de leurs contenus. Cependant, il est plus que légitime de se demander quel schéma prendra ce nouveau round de consultations et qui en seront les partenaires du pouvoir ? Car, il n'est pas dit dans le discours si cette consultation prendra la configuration d'«une boîte aux lettres» devant recueillir des propositions de partis et de représentants de la société civile. Dans ce cas-là, ce serait un remake des consultations sur les réformes politiques, menées sous la conduite de Bensalah, avec les résultats que l'on connaît. Puisque ces joutes, comme on s'en rappelle, avaient été marquées par le boycott de l'opposition, au profit de formations et organisations lilliputiennes, de surcroits non représentatives, au motif d'une mésentente sur les priorités du calendrier des réformes, en ce sens que les réfractaires avaient vivement recommandé que la révision de la Constitution soit élevée au rang de priorité par rapport au pack des lois. Le deuxième scénario, qui permet de mieux envisager cette consultation politique, est d'associer les partis représentatifs de l'opposition, sous une forme de dialogue ouvert, même s'il doit prendre la forme d'une conférence nationale, qui a été suggérée par des partis d'opposition. Quelle attitude adopteront ces derniers face à cette situation ? Iront-ils aussi jusqu'au bout de leur logique ? Qu'à cela ne tienne, ce nouveau processus politique, «de première importance», auquel seront conviés les principaux acteurs politiques, verra certainement la montée au créneau de certains d'entre eux pour revendiquer, à l'image du Parti des travailleurs, de donner corps à l'engagement du président Bouteflika de renouveau politique, ou de «deuxième République», comme cela avait été clamé par Abdelmalek Sellal, son directeur de campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril. Une deuxième République où seront consacrées les libertés individuelles et collectives et d'où seront bannies la bureaucratie et la hogra, entre autres. En tout état de cause, le président Bouteflika a expliqué, à l'occasion, qu'il est attendu de cette révision de la loi fondamentale du pays de servir le «renforcement de la séparation des pouvoirs, à conforter l'indépendance de la justice et le rôle de l'opposition et à garantir davantage les droits et libertés des citoyens». Le chef de l'Etat a, en outre, souligné sa volonté d'ouvrir d'autres chantiers dans le but notamment d'améliorer la «qualité» de la gouvernance, faire «reculer» la bureaucratie au bénéfice, a-t-il dit, des citoyens et des opérateurs économiques et pour «promouvoir une décentralisation appuyée sur une démocratie participative». Une démocratie participative «qui associera mieux la société civile à la gestion locale», a indiqué le chef de l'Etat qui a mis en exergue l'importance de la réforme de la justice qui a franchi, a-t-il relevé, des étapes significatives et qui sera poursuivie pour adapter les lois aux défis rencontrés sur le terrain. À côté de cela, l'occasion sera offerte aussi à d'autres partis, de gauche comme de droite, de réitérer leurs revendications visant à constitutionnaliser l'interdiction du nomadisme politique, empêcher l'intrusion de l'argent sale dans la politique, redonner son sens à l'immunité parlementaire... Il n'est pas utile d'insister sur l'opportunité de ce chantier politique dont la finalité serait, entre autres, de consacrer la stabilité dont jouit l'Algérie, par rapport à son environnement géostratégique. L'approche proposée par le président de la République trouvera alors tout son sens dans l'invitation adressée à l'opposition pour «une révision constitutionnelle consensuelle». Mais, de là à prédire que ce processus aboutira à l'élaboration d'une nouvelle Constitution, ce serait aller trop vite en besogne. A. R.