La liberté syndicale est inscrite dans la Constitution algérienne. Pourtant, seule une organisation est reconnue alors que les autres peinent à se faire entendre. En Algérie, cinquante trois syndicats autonomes activent aujourd'hui dans le secteur de la Fonction publique et le secteur économique, public et privé. Ce sont en majorité des syndicats de corporation : fonctionnaires de l'administration, enseignants, médecins, etc. Cependant, certains syndicats parmi les 53 ont marqué l'actualité sociale de l'Algérie par leurs luttes et leurs acquis durant ces 15 dernières années. Ils sont devenus des vecteurs axiaux du mouvement syndical en Algérie et ont créé de nouvelles pratiques dans le champ syndical qui était dominé depuis l'indépendance jusqu'en 1989 par l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta). Paradoxalement, le pays vit une situation inédite en ce qui concerne le partenariat et le dialogue social. En effet, l'Etat ne reconnaît aucun de ces 53 syndicats comme partenaire social dans les faits. L'unique partenaire social reconnu reste l'Ugta, même quand elle ne s'implique pas dans un combat de travailleurs ou qu'elle n'a plus de représentativité dans certains secteurs de la Fonction publique et du secteur public économique. C'est toujours vers elle que se tourne le pouvoir, même pour lui annoncer les acquis arrachés par les syndicats autonomes lors de leurs mouvements de grève. Certes, le syndicalisme est un travail dur et de longue haleine. Il existe un hiatus, une rupture de dialogue entre ces syndicats et l'employeur ou l'Etat. Et les deux parties doivent revoir leur position et stratégie. Les syndicats doivent prendre en considération les doléances et les préoccupations des travailleurs. C'est leur mission et raison d'être. Et s'ils échouent, ils sont disqualifiés. C'est l'épreuve du terrain qui va montrer, au fil des années, que sur les 53 syndicats créés depuis 1989 à ce jour, seuls quelques-uns tels le Snapap, le Snpsp, le Spla, le Satef, le CLA, le Cnapest et le Cnes ont réussi à durer, à renouveler la pratique syndicale, et ils partagent une identité syndicale constituée par des éléments tels la pratique syndicale collective et solidarité syndicale, l'élaboration d'un programme d'action et d'une ligne syndicale démocratique et revendicative... Au fil des années, certains mouvements syndicaux se sont distingués des autres par leur persistance, mais aussi par un «jusqu'auboutisme» qui terni leur image chez l'opinion publique, à l'exemple des syndicats des secteurs de la santé, de l'éducation, et de l'enseignement supérieur. Ces syndicats, malgré la légitimité de leurs actions de protestation et de grève ont parfois poussé l'action jusqu'à paralyser le secteur, faisant payer les citoyens les frais de leur refus, et celui des pouvoirs publics, qui ont également leur responsabilité dans le pourrissement des situations conflictuelles, de faire des concessions. Aussi, les syndicats devraient-ils revoir leur plan d'action et leur stratégie et ne plus prendre en otage des secteurs publics indispensables pour faire plier le gouvernement qui, de son côté, devrait faire preuve de souplesse. Chaque jour de grève dans le secteur de la santé se chiffre en plusieurs centaines de malades privés de soins. Et quand on parle de mouvement de grève dans un établissement scolaire, on ne peut éviter de voir se profiler le spectre des retards qui impacteront des examens officiels (BAC, BEM et 6e) compromis. Il ne faut pas perdre de vue les conséquences néfastes des différentes actions de protestation sur le fonctionnement de l'administration publique qui, déjà rongée par la bureaucratie, se retrouve bloquée. Souvent marginalisés par l'Etat, les syndicats estiment que le pouvoir est «autiste», qu'il a sa propre société civile et ne dialogue qu'avec lui-même, sachant que les syndicats autonomes n'ont pas encore une fois pris part à la dernière tripartite. Rappelons que les syndicats autonomes ont décidé en 2012 de créer une Confédération nationale autonome des travailleurs algériens (Cnata) qui constituerait selon eux une centrale syndicale rivale de la puissante Ugta. L'objectif étant de constituer une grande force revendicative capable de défendre les acquis sociaux des travailleurs, mais aussi de se poser en interlocuteur incontournable des pouvoirs publics dans les négociations et pour donner un nouveau souffle au mouvement syndical en Algérie. La création de cette confédération pourra changer la donne en termes de lutte syndicale et de dialogue avec le gouvernement. Les syndicats ont certes franchi une autre étape. Dans le passé les revendications des syndicats se faisaient uniquement au sein de leurs secteurs concernés vis-à-vis des employeurs directs, alors qu'aujourd'hui ces derniers enchaînent les bras de fer avec les plus hautes instances du pays. Les syndicats autonomes ont gagné plusieurs batailles et ont réussi à obtenir plusieurs droits et changements, que se soit en matière de salaire ou conditions des travailleurs. Mais il faut que ces derniers soient mieux structurés, adoptent une véritable stratégie et mettent un terme aux conflits intersyndicaux pour se pencher uniquement sur la situation des travailleurs. Les pouvoirs publics sont attendus, pour leur part, sur la définition qu'ils donneront au «partenaire social» et s'ils entendent en exclure les organisations qu'ils estiment «dérangeantes» et par trop revendicatives. L'engagement est pris que le dialogue et la concertation seront inclusifs. L'avenir le confirmera ou l'infirmera. A. K.