Mohamed Rahmani En dehors de l'apport scientifique certain avec la vingtaine de conférences d'éminents professeurs et chercheurs venus d'Amérique, d'Europe, d'Afrique et d'Asie, le Congrès international de neuro-oncologie, qui s'est tenu du 30 avril au 2 mai courant à Annaba, a eu le mérite d'ouvrir un véritable débat sur la prise en charge en Algérie des patients atteints de cancer, les défaillances relevées et les moyens à mettre en œuvre pour une thérapie adaptée avec des compétences avérées et des équipements adéquats. En Algérie, des statistiques approximatives font état de 500 nouveaux cas chaque année. L'absence d'un registre répertoriant ces cas de cancers pédiatriques rend très difficile le suivi de la prise en charge de ces tumeurs et des progrès enregistrés. Selon les mêmes données épidémiologiques, 947 cas de tumeurs cérébrales pédiatriques ont été enregistrés en 2002 et, au vu de l'important profil démographique infantile, il est à craindre qu'il ne s'agisse-là que de chiffres indicatifs, le mal est peut-être plus profond. Selon le professeur Bastandji, un plan cancer enfant a été élaboré il y a des années par le professeur Aguercif, chercheur en cancérologie, président de la Société algérienne de pédiatrie et doyen de la faculté d'Oran. Ce plan avait été analysé par des sommités scientifiques spécialisées dans le domaine et avait été approuvé. «Ce plan qui avait été transmis aux instances concernées, ministère de la Santé et instituts spécialisés, est resté lettre morte. Aujourd'hui, nous sommes très en retard en matière de prise en charge de cette maladie, nos voisins Marocains et Tunisiens nous dépassent et de loin dans le traitement du cancer, nos patients sont obligés de se déplacer dans ces deux pays pour suivre leur traitement. Actuellement, en Algérie, nous disposons de seulement 10 accélérateurs pour une population de près de 40 millions d'individus, la norme internationale admise par l'OMS est au moins de 40 accélérateurs pour un traitement de radiothérapie. Nos patients attendent plus de 6 mois après la chimiothérapie avant de pouvoir bénéficier de séances de radiothérapie; ils auront tout le temps de mourir avant. Il n'y a pas de politique de santé claire dans ce domaine, il n'y a pas encore, au jour d'aujourd'hui, un registre du cancer par spécialité et par wilaya de sorte à établir des cartes sanitaires oncologiques pour situer les zones à haute prévalence de cette maladie. À partir de là on pourra cibler les wilayas concernées qui devront devenir des wilayas pilotes, référents en matière de prise en charge du cancer», nous a-t-il déclaré. Pour le professeur Salhi, l'Algérie a les moyens financiers d'acquérir les équipements indispensables pour le traitement de cette maladie, un accélérateur coûte 1 600 000 euros. «Que représentent 48 millions d'euros pour sauver des milliers de vies humaines? Cet équipement est indispensable pour alléger les souffrances des patients, et de leurs familles, obligés d'attendre des mois avant de suivre les traitements. Savez-vous qu'une séance de radiothérapie revient à 12 000 DA et que pour un patient il lui faut au moins 20 à 40 séances. Cet équipement, s'il est acquis, peut être très rentable dans la mesure où Tunisiens, Libyens et Marocains pourraient venir se faire traiter ici. La technique de traitement utilisée en Tunisie est la cobaltothérapie; l'effet biologique de ce traitement est moindre car le rayonnement sur la tumeur est de 40% alors qu'avec un accélérateur il est de 90%», ajoute le professeur. Le professeur Bey Pierre, radiothérapeute à Paris, présent à ce congrès, nous a déclaré que les accélérateurs sont indispensables pour la prise en charge de cette maladie. «Il y a actuellement en France 450 accélérateurs pour une population de 65 millions d'habitants, 350 000 sont atteints de cancer soit 1 accélérateur pour à peu près 800 personnes atteintes de cette maladie. Il y a en France 3 à 4 fois plus de cas de cancers qu'en Algérie du fait du vieillissement de la population. Pour l'Algérie il faut, dans un premier temps, au moins 40 appareils, et dans ce cas il faut associer le privé pour développer et généraliser cette prise en charge des patients. La tendance actuelle est à l'accélérateur, la cobaltothérapie n'est pas aussi efficace, le premier est fiable, une efficacité avérée, un dépannage rapide et il est sans danger par rapport à la cobaltothérapie», précise-t-il. Pour Pierre Aletti, physicien médical, le personnel qualifié est aussi indispensable que la machine, un personnel bien formé et compétent c'est 90% de réussite dans le traitement de la maladie. «Il faut des dosimétristes, des manipulateurs, des techniciens de contrôle, des radiothérapeutes, des physiciens médicaux, etc. Ce sont là les conditions idoines pour la réussite», nous confie-t-il. M. R.