Photo : Sahel Par Amel Bouakba Comme nous l'avons souligné à maintes reprises dans nos précédentes éditions, la situation des malades cancéreux (toutes formes confondues) ne cesse de se dégrader, en dépit des engagements des pouvoirs publics. Avec plus de 44 000 nouveaux cas par an, le cancer est aujourd'hui une des causes les plus fréquentes de morbidité et de mortalité en Algérie. Contrairement à d'autres pays où la survie des patients atteints de cancers s'améliore grâce, en particulier, à des diagnostics plus précoces et des traitements plus efficaces, en Algérie le constat est des plus chaotiques. C'est une situation accablante que décrit le Professeur Kamel Bouzid, chef du service d'oncologie médicale du Centre Pierre-et-Marie-Curie (Cpmc), à l'occasion du mois de sensibilisation contre le cancer du sein (Octobre rose). Intervenant sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, il dénonce une prise en charge criarde, notamment pour ce qui est de l'accès à la radiothérapie. Il a indiqué, que «malgré les efforts des autorités en matière d'acquisition d'équipements, de construction de nouveaux centres anticancéreux, la situation a empiré». Obtenir un rendez-vous pour une radiothérapie relève carrément du parcours du combattant. Ce qui, pour un malade cancéreux signifie une perte de temps précieuse alors que la vie n'attend pas. Le spécialiste a déploré le fait que les rendez-vous au Cpmc sont fixés à septembre 2013, à Oran à janvier 2014 et à Constantine, les machines sont pratiquement à l'arrêt. «Les trois accélérateurs acquis ne sont pas installés pour des raisons bureaucratiques», a précisé le professeur Bouzid. En fait, le problème de la radiothérapie ne date pas d'aujourd'hui. Il est soulevé depuis plusieurs années, aussi bien par les associations de malades atteints de cancer que par les spécialistes. Pour Kamel Bouzid, «il s'agit d'un problème global qui va de la construction des bunkers, à l'acquisition des accélérateurs, à la formation du personnel, tels que les radiothérapeutes, les manipulateurs, les physiciens et les gestionnaires», ainsi que la question de la maintenance et de l'entretien des appareils qui a été négligée. Avant de construire des centres anticancéreux, il fallait au préalable penser à former le personnel soignant, or cela n'a pas été le cas chez nous. C'est ce que déplore l'expert qui explique qu'«en 2006, l'Algérie décidé de construire des centres anticancéreux, mais il fallait penser qu'en 2012 on aurait besoin de personnel paramédical, de physiciens, de gestionnaires, mais cela n'a pas été fait visiblement, ce qui explique l'état actuel des choses». Tout en s'insurgeant contre la mauvaise gestion et les défaillances en matière de prise en charge des malades, l'oncologue a précisé que 45 000 malades atteints de cancer n'ont pas eu accès aux traitements en 2011. Aujourd'hui, le constat est amer : sur 44 000 nouveaux cas de cancers enregistrés annuellement, 28 000 nécessitent une radiothérapie, mais seulement 8 000 en bénéficient, le reste, soit 20 000, est délaissé. «Ceux qui ont les moyens vont en Turquie, au Maroc en Tunisie ou en France pour un coût de 800 000 et 1 million de dinars pour un cancer de la prostate ou du sein», a-t-il confirmé, en revanche, «ceux qui sont dépourvus de moyens, qui sont l'écrasante majorité de nos concitoyens, sont obligés d'attendre des rendez-vous qui vont jusqu'à un an et plus». Le chef de service d'oncologie médicale du Cpmc s'est dit, par ailleurs, scandalisé de voir que dans certaines régions, des listes d'attente pour les médicaments sont établies. «Sur quelle base va-t-on traiter une patiente atteinte du cancer du sein et pas sa voisine», fulmine-il. Selon lui, «cette histoire de liste d'attente est le comble du comble de la médecine». Et d'ajouter indigné : «Pour quelle raison une dame qui a un cancer du sein en août 2001 a plus de chance qu'une dame qui l'a eu en février 2011 ?».