De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Il y a des dizaines, voire des centaines de graines de champions en judo dans la wilaya de Tizi Ouzou, mais si la situation de cette discipline sportive continue à végéter comme aujourd'hui dans cette wilaya, tous les athlètes qui auront la chance d'émerger lors des compétitions nationales n'hésiteront aucun instant à quitter la wilaya pour de meilleures propositions, en matière d'évolution et de pécule, notamment vers les clubs de la capitale. Et pour cause, les différents clubs de judo de la wilaya de Tizi Ouzou n'ont pas les moyens de maintenir en leur sein les champions qu'ils «fabriquent» dans leurs localités respectives. Le président de la ligue de judo de la wilaya, Abdelkrim Debiane, en parle avec un pincement au cœur, lui qui voit des clubs locaux lancer des enfants dans cette discipline sportive jusqu'à ce qu'ils deviennent champions et les perdre juste après au profit de clubs mieux lotis financièrement, comme le Mouloudia d'Alger, l'USMA, le Club de judo féminin ou Baba Hassan. En fait, depuis que la JSK a «décidé» de négliger cette discipline au début des années quatre-vingt-dix, la wilaya de Tizi Ouzou n'arrive toujours pas à garder ses champions de judo. Pourtant, ce club prestigieux a déjà connu des sacres nationaux et continentaux durant la décennie précédente, avec notamment les Saïd Lahcène, Ali Idir, Laïd Kaki, Ahmed Iratni et Mohamed Bouheddou et bien d'autres encore, qui ont marqué l'histoire du judo dans la wilaya de Tizi Ouzou, et dans toute l'Algérie grâce à des résultats remarquables lors de compétitions africaines, notamment des titres de champions d'Afrique. «A l'époque, tous les champions ont transité par la JSK», dira avec fierté mais aussi une pointe de regret Abdelkrim Debiane, qui ne manquera pas de signaler que, durant la décennie écoulée, la section judo de la JSK a amorcé sa chute puisqu'aucun titre n'a été obtenu. Sa dissolution vers l'année 2001 n'a étonné personne parmi les gens au fait des rouages de cette discipline. Aujourd'hui, pas moins de treize clubs de judo activent dans la wilaya de Tizi Ouzou en plus de six autres disposant de sections dans cette discipline. C'est-à-dire que dans la wilaya, il existe dix-neuf clubs au niveau de plusieurs localités où l'on peut pratiquer le judo, avec cette particularité importante que la majorité d'entre eux accueillent des enfants de la catégorie «poussins» et font de certains des champions hors pair. Les exemples sont nombreux et ce n'est pas la championne d'Afrique en titre, et septième lors des derniers championnats du monde, Dahbia Founas, du club de Baba Hassan (Alger) qui dira le contraire, elle qui a fait ses premières classes au sein du club de Ouadhias, le JCO, d'où sont sortis de nombreux judokas de la sélection nationale. Kahina Hadid du Mouloudia non plus puisqu'elle arrive tout droit du club de la localité de Beni Douala, le NRBBD. Mais il est vrai que le plus grand formateur des clubs locaux, reconnaît Debiane, reste incontestablement celui de Ouadhias qui a «mis au monde» des noms aussi prestigieux que Lynda Mekzine, Rachida Ouerdane, Saliha Lalili et Lila Latrous et d'autres encore. Ce club du sud de la wilaya fait dans la formation depuis une quinzaine d'années. Donc, les clubs de la wilaya de Tizi Ouzou sèment les graines de stars et ce sont les autres équipes, particulièrement celles de la capitale, qui récoltent les champions. Il est vrai que cela fait mal à ceux qui gèrent cette discipline sportive au niveau régional, surtout qu'actuellement, les dix-neuf clubs de la wilaya, dont sept au niveau du chef-lieu, accueillent pas moins de 2 000 pratiquants, dont environ 800 licenciés. Et il y a de quoi avoir peur que d'ici quelques années, des noms sortiront du lot et atterriront dans des clubs hors wilaya. Abdelkrim Debiane pense qu'il est temps que les autorités cessent de privilégier les équipes de football au détriment des autres disciplines sportives, particulièrement celles qui favorisent l'activité en faveur des enfants. «Le dernier des clubs de football se voit octroyer des subventions plus importantes que ceux de judo avec des centaines d'enfants», martèle notre interlocuteur pour lequel «il n'y a pas une réelle volonté politique de prise en charge de l'enfant», non sans relever le problème du manque d'infrastructures que vit cette discipline dans la wilaya. Les responsables des pouvoirs publics devraient peut-être revoir leur copie et cesser de noyer des disciplines sportives très importantes dans les marécages d'un football qui engloutit des sommes faramineuses puisées des budgets de l'Etat. Il reste également la question des sponsors privés qui sont pratiquement inexistants dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il est vrai que l'activité économique dans cette wilaya n'est pas très importante mais certains opérateurs économiques peuvent toujours mettre, de temps à autre, la main dans la poche pour aider, à tout le moins, les clubs de leurs localités respectives, afin qu'ils puissent garder leurs champions. Ils pourraient également trouver avec les autorités publiques et les responsables des clubs concernés d'autres solutions à cet épineux problème qui ne sert pas du tout les clubs locaux ni même la discipline dans la wilaya.