Le Théâtre régional de Skikda (TRS) accueille, aujourd'hui, la générale de Macbeth de William Shakespeare, mise en scène par Djamel Guermi. La pièce, dont la scénographie est signée par Brahim Khalil et la musique composée par Issam Bechichi, est la 1re production sous la houlette du nouveau directeur du Théâtre régional de Skikda, Farid Boukrouma. A propos du choix de Macbeth, Djamel Guermi confie que ce qui l'a séduit dans la pièce «ce sont les personnages qui sont en résonance avec ce qui se passe en 2014. En tant que metteur en scène, je suis fasciné par la dissection de ses personnages qui sont au diapason avec les mouvements sociaux et politiques actuels». «Le créateur doit être à l'écoute de son environnement et ce qui s'est passé dans les pays arabes et jusqu'à ce qui se passe aujourd'hui dans les pays de l'Est, en Amérique Latine et même en Afrique se trouve dans Macbeth, où sont autopsiés les mécanismes sombres du pouvoir et du mal dans ses formes contemporaines. C'est en cela qu'il est intéressant de donner notre vision et notre réflexion sur ce mal qui ronge la société moderne, du mystère de ces mécanismes effarants et sanguinaires de manipulation et d'effet de contagion», précise-t-il. Pour rappel, Macbeth, écrite au début du 17e siècle, est l'une des tragédies les plus terrifiantes du dramaturge anglais William Shakespeare sur la tyrannie politique, rythmée par l'horreur, l'angoisse et la perfidie. Macbeth est en fait une plongée dans les abymes de ce qu'il y a de plus sombre chez un tyran assoiffé de pouvoir, dont l'ego est sans cesse aiguisé par une lady Macbeth sanguinaire s'abreuvant du sang des victimes de leur usurpation d'un trône maudit. Une réalité que Macbeth, dans une étincelle de lucidité, traduira en clamant : «Je suis gorgée d'horreurs. L'atroce, familier de mes pensées sanglantes, ne peut plus me surprendre.» Concernant la démarche pour la mise en scène Djamel Guermi explique qu'il a «voulu apporter un concept moderne en cassant le schéma classique à travers une réelle dynamique de jeu grâce au théâtre de l'image». «Pour cela, même si la puissance du texte est toujours présente, je me suis adapté au public actuel qui est un public plus sensible au visuel qu'à l'écoute. Pour cela j'ai favorisé le jeu des situations, une scénographie basée sur la symbolique et la sémiologie notamment des couleurs, avec la dominance du rouge et des noirs symboles de passion et de violence et de la musique spécialement conçue pour cette pièce.» Le personnage de Macbeth sera interprété par Abderaouf Boufenaz et celui de Lady Macbeth par Yasmine Abdelmoumene. Les autres personnages seront quant à eux interprétés notamment par Nadia Sahnoun, Fethi Azila, Hichem Allal, Ali Namouss, Ryad Deroual et Djallel Draoui. «Le casting des comédiens s'est basé sur trois critères principaux : la maîtrise de l'expression corporelle, la justesse de l'interprétation et les talents en rythmes et chants», ajoutera-t-il. Concernant la direction des acteurs, Djamel Guermi soulignera qu'il était intéressant de travailler sur les caractères qui sont à contre-nature des personnages, cela permet au comédien d'aller puiser au fond de lui-même les ressources nécessaires pour réellement incarner le personnage. A travers cette représentation, le Théâtre régional de Skikda convie les amateurs du 4e art à un véritable spectacle sur scène où le divertissement et la réflexion seront au rendez-vous avec cette illustration de la furie sanguinaire des tyrans. Des dictateurs absolutistes dont la plus grande faiblesse est de succomber à leurs instincts les plus primaires créant leur propre enfer sur terre et oubliant qu'au final, tel qu'il est clamé dans la pièce de Shakespeare, «la vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur, Qui s'agite et parade une heure, sur la scène, Puis on ne l'entend plus. C'est un récit Plein de bruit, de fureur, qu'un idiot raconte, qui n'a pas de sens». Avec Macbeth, Djamel Guermi propose une tragédie qui a une résonance toute particulière avec l'actualité faite de guerres et complots politiques sanglants pour l'usurpation du pouvoir. En fait, au-delà du simple aspect du pouvoir politique, c'est la notion même de la nature humaine qui est abordée dans cette tragédie au sens véritable du terme, où il a suffi d'une prophétie pour que Macbeth devienne le jouet du destin qu'il tente d'accomplir. Sur scène est posée l'éternelle question du libre arbitre et du choix entre le bien et le mal. S. B.