Quatre personnes, dont une enfant, ont été tuées dans une attaque-suicide à la voiture piégée à Kano, une grande ville du nord du Nigeria. L'information aurait pu passer inaperçue dans les médias dans un contexte autre que celui qui prévaut actuellement dans l'un des pays les plus peuplés d'Afrique. En effet, le Nigeria est face à une situation que beaucoup d'analystes avaient prévue mais qui n'a jamais été prise au sérieux par les autorités d'Abuja. La menace Boko Haram avait été réduite à celle d'une secte dont on pensait pouvoir réprimer les membres s'il leur venait à l'idée de déstabiliser l'ordre établi. Mais ça n'a pas été le cas. Aujourd'hui, Boko Haram constitue un véritable groupe terroriste de la taille des Shebab en Somalie et de n'importe quelle branche locale d'Al-Qaïda au Yémen, en Irak, en Syrie ou au Sahel. Ses capacités de nuisances ne peuvent être ignorées par Abuja, qui a appelé à l'aide internationale pour répondre aux violences de ce groupe terroriste dont l'ambition est d'asseoir son contrôle sur le pays et d'instaurer la charia (loi islamique), en usant de la violence. Le mini-sommet de Paris, qui s'est déroulé durant le week-end, est une preuve de l'incapacité du président Jonathan Goodluck de lutter seul contre Boko Haram, dont on ignore aussi bien le nombre d'éléments que ses moyens financiers et matériels. Coopération régionale sur la sécurité Le mini-sommet de Paris qui a regroupé le Nigeria, le Cameroun, le Bénin, le Tchad, le Niger, en présence des représentants des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'Union européenne, suscite en effet beaucoup d'interrogation quant à la capacité d'Abuja à lutter seule contre cette bulle terroriste de Boko Haram qui risque de lui exploser sur la figure et déstabiliser durablement le pays à moyen et à long terme. Il est toutefois clair que sans l'assistance et le soutien des pays voisins, le Nigeria ne pourra pas venir à bout du chef de Boko Haram et de ses troupes, qui disposent à coup sûr de bases arrières dans les villes des Etats voisins. Cette assistance consiste surtout en l'échange des renseignements et la sécurisation des frontières pour isoler Boko Haram et lui bloquer tous les circuits financiers et matériels extérieurs. L'aide internationale intervient à ce stade pour compléter le travail, sans être obligé d'intervenir militairement sur place, comme cela est le cas dans plusieurs pays africain où la situation a dégénéré. L'exemple de la Libye est poignant, dans la mesure où l'intervention de l'Otan n'a pas été jusqu'à aider les nouvelles autorités de Tripoli à lutter contre les groupes terroristes qui disposent de suffisamment d'armes pour mettre l'ensemble des pays de la région subsaharienne à feu et à sang. Pour éviter le chaos somalien Les puissances occidentales devraient peut-être revoir leur manière d'aider les pays pauvres et émergents en finançant des projets de développement locaux, l'accès à l'enseignement et à la santé, au lieu d'être les appuis des régimes autoritaires. Le Nigeria, ou plutôt les politiques nigérians gagneraient plus à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. La pauvreté et le chômage de masse sont considérés comme les principales raisons qui poussent les catégories les plus défavorisées à rejoindre les groupes armés, sous couvert de religion. Dans un pays tel que le Nigeria, premier producteur de l'or noir en Afrique, l'argent du pétrole pourrait être utilisé à bon escient pour gagner une population dont les cris de douleur sont souvent accueillis avec des matraques et des bombes lacrymogènes, quand ce n'est pas avec des balles réelles pour faire taire la contestation sociale. Seul le développement économique et social est capable de venir à bout de Boko Haram et de tous ces groupuscules armés qui terrorisent depuis des années le peuple nigérian, au vu et au su de cette communauté internationale qui intervient au gré de ses intérêts immédiats. L. M.