Merzak Meneceur «Un choc, un séisme, un moment grave». Le Premier ministre français, Manuel Valls, ne pouvait pas dire moins au soir de ce dimanche de l'élection des députés européens. Le constat est terrible pour la France. Le Front national est arrivé en tête avec 25% des voix des 43% de votants et obtenu 24 sièges, l'abstention, 57%, des électeurs inscrits, étant l'autre vainqueur du scrutin. L'évènement est exceptionnel pour être souligné car c'est pour la première fois dans l'histoire de la République française qu'un parti d'extrême droite arrive en tête d'une élection nationale. C'est un bouleversement dans la vie politique de l'Hexagone qui ne présage rien de bon pour l'avenir républicain Le triomphe de la formation politique créée en 1972 par Jean-Marie Le Pen, dirigée depuis quelques années par sa fille Marine, est une défaite pour tous les autres partis. L'UMP qui escomptait tirer profit de l'impopularité du pouvoir dépasse à peine 20% et obtient 20 sièges sur les 74 qui reviennent à la France au Parlement européen. Le parti socialiste est laminé avec un triste 13,98% et 13 sièges. Avec presque 10% les centristes ont 7 sièges, les écologistes 8, 91% et 6 sièges, le Front de gauche seulement 6,34% et 3 sièges. En constante ascension de scrutin en scrutin, comme lors des récentes élections municipales, le parti de l'intolérance et de la démagogie a su jouer et capter un électorat qui agit par un acte de protestation et, de plus en plus, par adhésion à son discours populiste anti-européen rendant l'Union européenne et l'immigration responsables de tous les maux de la société française. Totalement utopique et passéiste, son programme rejette l'euro et l'Union européenne, et est pour un retour au franc. Il propose de sortir de l'espace Schengen et rétablir les contrôles aux frontières pour juguler les immigrés qui, selon lui, envahissent la France. La haine de l'autre, de l'étranger, surtout maghrébin et noir, est l'un de ses ADN. Le résultat électoral de dimanche n'est pas fait pour assurer la quiétude des millions d'immigrés de France, est peut être un encouragement à l'islamophobie et à l'antisémitisme. L'élection de dimanche plonge la France dans une profonde crise politique, car elle consacre l'impopularité du pouvoir au regard du faible score du Parti socialiste et du fort taux d'abstention, dont les grands contingents sont constitués par les déçus de François Hollande, dont la politique n'a ni fait reculer le chômage ni protégé le pouvoir d'achat. La politique d'austérité et les promesses trahies ont réduit comme une peau de chagrin la base sociale du Président. L'élection consacre aussi la crise que traverse la droite qui, outre le fait qu'elle n'a aucun programme alternatif à proposer aux Français, est plongée dans la guerre des chefs et des affaires de justice. Ainsi le discrédit de l'ensemble de la classe politique a profité à l'extrême droite qui sans un sursaut des républicains et des démocrates, sans une autre politique européenne, peut nourrir de nouvelles ambitions, y compris à la présidentielle de 2017 où le candidat du Front national pourrait se qualifier au second tour, comme en 2002. Mais dans l'Union européenne, la France n'a pas le monopole de l'émergence de l'extrême droite. C'est une vague montante de l'idéologie nauséabonde qui a été constatée dans plusieurs pays. La palme revient au Royaume-Uni et au Danemark. Chez les Britanniques le parti Ukip a fait l'effet d'une bombe en arrivant en tête avec plus de 25% des voix et 23 sièges, réduisant en miettes le parti conservateur au pouvoir et devançant les travaillistes. Du côté de Copenhague, c'est l'extrémiste Parti populaire danois qui est arrivé en tête (4 sièges), devançant de 5% les socio-démocrates au pouvoir. En Grèce c'est un parti ouvertement néo-nazi, dont le dirigeant est en prison, qui a pu avec 9% arraché 3 sièges. Autres pays sérieusement touchés par le virus europhobe : l'Autriche, la Suède, la Hongrie et l'Italie, où les scores obtenus par la vague brune sont importants. Au Parlement, plus de 140 sièges, soit 20% du total, sont dévolus à ceux qui ont comme ambition de jouer les trublions et miner l'Union européenne de l'intérieur. Dans cette Chambre ni la gauche, ni la droite n'ont la majorité absolue. Des alliances contre nature ne sont pas à exclure pour diriger un Parlement qui a suffisamment de pouvoir pour influer sur les changements indispensables à la politique européenne, dont les orientations libérales actuelles et sa politique d'austérité imposée aux peuples a montré ses limites et ses dégâts non seulement sociaux, mais aussi politiques et idéologiques. M. M.