Lors de cette 17e Conférence ministérielle du Mouvement, ouverte mercredi dernier au Palais des nations à Alger, parmi les priorités évoquées, le phénomène du terrorisme qui prend de l'ampleur à travers le monde et constitue une grave menace pour de nombreux pays, notamment dans la région du Sahel. Le Premier ministre, M. Abdelmalek Sellal, a d'ailleurs appelé, au nom du président de la République, les pays non-alignés à «poursuivre et unir leurs efforts pour éradiquer le terrorisme dans le monde». Le MNA est ainsi appelé à poursuivre ses efforts dans le règlement des conflits dans un contexte marqué par de nombreuses crises, notamment en Libye et au Mali. Dans ce contexte, la présidente de la commission de l'Union africaine (UA), Mme Nkosazana Dlamini- Zuma, a souligné devant les participants à la conférence du MNA, que les efforts du continent africain «se poursuivent toujours dans le cadre du Mouvement des non-alignés pour le développement de l'Afrique et pour éradiquer les conflits et trouver un monde meilleur pour les générations futures». À ce propos, il faut dire que les conflits qui secouent les voisins de l'Algérie inquiètent non seulement cette dernière, mais l'ensemble des pays du Sahel. Lors de la Conférence du MNA, les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye se sont dits «inquiets» de la situation dans ce pays, en proie à une profonde crise politique. Les derniers développements survenus en Libye et leurs répercussions sur la sécurité et la stabilité de ce pays ainsi que sur les pays voisins, ont amené les ministres à appeler «toutes les parties et les forces vives» libyennes à «cesser les actes de violence et à faire prévaloir le dialogue» et «arrêter l'effusion de sang à la faveur d'une paix civile, garante de la sécurité des citoyens libyens face à toutes les tentatives visant la déstabilisation de la Libye et menaçant la sécurité des pays voisins et la région». Ils ont également souligné «l'intérêt particulier» accordé à la sécurisation des frontières avec la Libye ainsi qu'à la coopération et à la coordination dans le domaine de la lutte antiterroriste, du trafic d'armes et de drogue et de l'émigration clandestine. Ce qui est vital, car, en Libye, la crise s'accentue puisque ce pays se retrouve depuis mercredi dernier avec deux gouvernements et des violences dans la région Est. Le cabinet libéral sortant d'Abdallah Al-Theni a affirmé dans un communiqué qu'il s'en remettait à la justice pour déterminer s'il devait céder le pouvoir au nouveau gouvernement d'Ahmed Miitig, dont l'élection est contestée. La controverse remonte à début mai lorsque M. Miitig a été élu lors d'un vote chaotique au Congrès général national. Plusieurs députés ont accusé les blocs islamistes d'avoir laissé le vote ouvert pour des retardataires après l'annonce du résultat, afin d'atteindre les 121 voix requises, alors que M. Miitig n'avait recueilli initialement que 113 votes. Des politiciens et des groupes armés avaient déjà prévenu qu'ils ne cautionneraient pas un gouvernement formé par M. Miitig, qui a reçu, cependant, l'investiture du Parlement. Sur le terrain et à Benghazi, les forces du général à la retraite Khalifa Haftar -qui a décidé de partir en guerre contre les groupes terroristes avec l'appui d'unités de l'armée- ont lancé des raids aériens contre un camp de la Brigade des martyrs du 17 février. Cette brigade est formée d'ex-rebelles islamistes et est soupçonnée d'entretenir des liens étroits avec le groupe djihadiste d'Ansar Achariaâ. Ce dernier, rappelons-le, avait menacé mardi dernier le général Haftar du même sort que le leader déchu Mouammar Kadhafi, et a mis en garde les Etats-Unis contre toute intervention en Libye. «S'il persiste à mener cette sale guerre, il risque de voir s'ouvrir les portes de l'enfer», a prévenu le chef d'Ansar Achariaâ, en menaçant les Etats-Unis de rester à l'écart ou de connaître le même sort qu'en Irak, en Afghanistan ou en Somalie. Ce contexte chaotique, dans un pays où il y a absence d'autorité et où les milices rivales, dominées par les islamistes, font la loi depuis la chute de Kadhafi, fait désormais redouter une plongée dans la guerre civile. Car malgré l'annonce des élections législatives pour le 25 juin en Libye, les violences meurtrières sont quotidiennes et la profonde crise politique est loin d'être réglée. Du côté du Mali, la situation s'est un peu améliorée après la signature de l'accord de cessez-le-feu entre Bamako et les Touareg. Un accord qui est intervenu, rappelons-le, grâce au président de l'Union africaine (UA), chef de l'Etat mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a arraché aux deux camps un cessez-le-feu, réclamé par la communauté internationale depuis la reprise le 17 mai de combats meurtriers qui s'étaient soldés par la déroute de l'armée malienne à Kidal. Il est attendu après la signature de l'accord, des «pourparlers de paix» pour décider du statut de la région Nord. Et à ce propos, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a réaffirmé, la disponibilité de l'Algérie à accueillir les mouvements maliens en juin prochain pour le parachèvement de la plateforme de négociations visant à trouver une issue à la crise au Mali. Il a aussi souligné «l'intérêt exprimé par les mouvements maliens, le soutien du gouvernement algérien aux négociations de paix et la disponibilité des gouvernements des pays du Sahel à apporter leur aide pour assurer le succès de cette démarche». Du côté malien, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a affirmé au cours de la conférence du MNA que l'application du récent accord de cessez-le-feu signé entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord «dépend de la bonne volonté des deux parties. Le gouvernement malien est très engagé pour le mettre en œuvre et nous espérons que cela nous permettra d'avancer et que l'autre partie fera de même». Il a ajouté que «les pourparlers entre groupes armés maliens, prévus le 5 juin à Alger, doivent conduire à une plateforme commune de discussions pour permettre d'aller à des négociations directes avec le gouvernement malien. Ces discussions devraient conduire ensuite à un processus de dialogue national». Concernant le rôle joué par l'Algérie dans la résolution de la crise malienne, la représentante du SG de l'ONU a indiqué que «les Nations unies ainsi que les Etats de la région soutiennent l'initiative de l'Algérie au sujet du dialogue entre le gouvernement malien et les groupes rebelles. L'Algérie a un rôle actif dans ce dossier et elle œuvre pour réunir autour de la table les groupes rebelles. Cela va permettre de savoir qui, parmi ces groupes, est prêt à s'engager dans le dialogue et qui ne l'est pas». Mais le rôle de l'Algérie ne se limite pas uniquement au Mali, elle est appelée à jouer un rôle de leader dans toute la région sahélienne. En Libye, son soutien est également évoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération libyen, Mohamed M'hamed Abdelaziz. Ce dernier, en marge des travaux de la 17e Conférence du MNA, a souligné que «l'Algérie avait initié des rencontres consultatives entre les pays voisins de la Libye au cours desquelles il a été procédé à un échange de vues sur la situation et le processus démocratique en Libye, ainsi que les problèmes liés à la sécurité. Ces discussions se sont traduites par un message politique fort qui appelle à nouer des contacts avec l'élite politique libyenne à tous les niveaux pour enclencher un dialogue national effectif qui devrait aboutir à une réconciliation nationale». Le ministre n'a pas manqué de rappeler le «rôle-pivot» de l'Algérie dans le règlement des problèmes de la Libye et assuré que «l'Algérie jouera un rôle essentiel dans le cadre de ces discussions pour trouver une solution à la crise». Alger semble être sur tous les fronts : lutter contre le terrorisme, participer au retour de la paix au Sahel, sécuriser ses frontières et booster le développement de l'Afrique et de l'ensemble des pays en voie de développement. Beaucoup de chantiers certes, mais qui permettront à Alger de préserver le sahel d'une intervention étrangère. Alger reste convaincu que les pays africains doivent se prendre seuls en charge et maintient sa position de non- ingérence étrangère et du respect des frontières. Faut-il rappeler, enfin, que le ministre des Affaires étrangères, M. Ramtane Lamamra n'a pas manqué de déclarer que «l'Algérie veille à ce que ses frontières nationales ne soient en aucune façon utilisées pour déstabiliser un pays frère quel qu'il soit». H. Y.