De l'eau dans le gaz de... schiste aurait pu mieux convenir comme titre. L'éventualité d'une exploitation de cette problématique énergie dans leur sous-sol a fait naître chez les Algériens une conscience écologique. Elle s'est exprimée ces derniers temps et s'est même invitée à l'Assemblée nationale où le Premier ministre a usé de tout son talent oratoire «chaâbi» pour rassurer des députés qui n'étaient pas aussi inquiets que cela. L'argument massue de Sellal, celui qui chasse dare dare les tourments et les angoisses, l'argument qui ressemble à la potion du «Raqi» quand il exfiltre les «djinns» des corps squattés ne laisse plus aucune place au doute et à l'appréhension : le gaz de schiste, ce n'est pas tout de suite ni prochainement. En attendant, notre Premier ministre a écopé des becs de nos cuisinières les gouttes d'eau qui se mélangeaient au gaz et ternissaient la beauté de la flamme. Petit rectif avant d'aller plus loin, il serait plus judicieux de parler de prémices d'une conscience écolo. Si des écolos sincères et activistes à hauteur de leurs faibles moyens existent bel et bien en Algérie, une vraie conscience nationale fait encore défaut. Il suffit de regarder autour de nous pour constater à l'œil nu et à ciel ouvert toutes ces violences faites à l'environnement. Le Diesel est encouragé comme carburant de masse et participe, avec la cigarette, à la propagation de pathologies graves, tout en augmentant les dépenses de santé et les importations de médicaments. Il y a quelques années encore, quelques importateurs proposaient des kits solaires pour les particuliers, mais à des prix élevés. Pour un pays à l'ensoleillement quasi-permanent, l'Etat aurait pu faire un geste, ne serait-ce que pour les zones rurales où l'énergie électrique pose encore problème. Mais chacun voit l'urgence devant sa porte et celle du photovoltaïque pour tous n'a pas encore frappé aux huis lambrissés de nos gouvernants. Un point positif à relever, les autorités en discutent, elles ne fuient pas le débat sur la question. Il y a une trentaine d'années, le regretté président Chadli Bendjedid, sans doute intoxiqué par des conseillers zélateurs ou peu compétents, était convaincu que les gisements d'hydrocarbures du pays n'en avaient plus que pour trois décennies d'existence. Et il disait alors des choses pleines de bon sens sur la nécessité de préparer illico presto l'après-pétrole et de s'atteler tout de suite à l'édification d'une économie qui ne serait plus tributaire du pétrole. Mohamed Hilmi, sur le modèle de «La guerre des mondes» d'Orson Welles, nous avait même concocté un film à la télévision sur la fin brutale de l'or noir. On sait ce que cela a donné. Trente ans plus tard, des découvertes fabuleuses sont toujours faites dans les entrailles du Sahara algérien. La quantification des réserves est restée aléatoire, même si les experts s'accordent sur un probable épuisement dans le futur au rythme d'extraction actuel. Les équipes qui sont venues après Chadli ont toutes embouché, elles aussi, la trompette de l'après-pétrole. Avec à peu près le même succès que l'ancien président. C'est pour cela que nos amis écolos qui donnent de la voix contre le gaz de schiste devraient prendre en compte, d'abord un état d'esprit général tourné vers la «Regda oua T'mangi», ensuite tous les tenants et aboutissants, et même les abrutissants, de cette affaire d'énergie non conventionnelle. Hé quoi, ont-ils pensé aux ressources pour payer les retraites des générations futures, les rentes et pensions qui vont, pour le demi-siècle à venir, continuer à se tailler la part d'une meute de lions affamés des transferts sociaux ? S'ils ont bien suivi les propos de M. Sellal devant les députés, ils relèveraient que celui-ci a fixé un objectif de sept pour cent de croissance économique à l'horizon 2019. Au regard des potentialités du pays, c'est un objectif trop modeste pour sortir l'Algérie de sa dépendance au pétrole. Alors, le gaz de schiste, on devrait au moins y penser sérieusement. Et même envisager dès maintenant l'après-gaz de schiste, car on conviendra au moins que le problème de l'Algérie n'est pas dans la nature conventionnelle ou non de son énergie mais dans l'usage qui en est fait. A. S.