Nombre de leaders de partis et personnalités politiques, réunis à l'initiative de la Coordination nationale des libertés et de la transition démocratique (Cntld) ont lors d'une Conférence nationale, échafaudé un plan de sortie de crise. Cette rencontre a rassemblé les principaux dirigeants de l'opposition, tous courants confondus, regroupant aussi bien des islamistes que des laïcs, organisés au sein de la Cntld, notamment Abderrazak Makri (MSP), Mohcine Belabbès (RCD), Abdallah Djaballah (FJD), Soufiane Djilali (Jil Jadid) et Mohamed Douibi (Ennahda), auxquels se sont joints d'autres personnalités nationales, dont trois anciens chefs du gouvernement (Benbitour, Benflis, Hamrouche), Ali Yahia Abdenour, Saïd Sadi, Mokrane Aït Larbi, le FFS et d'anciennes figures de l'ex-FIS, Ali Djeddi, ainsi que Benbaïbeche. Dans son allocution à l'ouverture de la conférence, Ahmed Benbitour a d'emblée indiqué que «l'avenir de l'Algérie est menacé», en soulignant le challenge que constitue cette rencontre, qui est le fruit d'une longue préparation et de consultations multilatérales, mais qui constitue en même temps, le début de l'organisation de l'opposition, indépendamment de l'orientation et de l'idéologie de chacun de ses membres, autour de l'objectif commun de sortir le pays de la crise. Une crise, a-t-il indiqué, qui est d'abord systémique, d'où leur plan contenu dans la plateforme commune de transition démocratique. Le document qui établit les causes de la situation actuelle, fait état de «déviations par rapport aux principes contenus dans la plateforme du 1er Novembre», et préconise une rupture réelle avec le système de gouvernance actuel, empreint d'unicité et de pratiques antidémocratiques, a-t-on ajouté. Si le peuple est appelé à «trancher entre le statu quo et la rupture», la même plateforme se veut d'abord un «appel à un dialogue tous azimuts», y compris aux tenants du pouvoir. Les participants ont appelé dans leur projet de plateforme à instaurer «sans tarder» une période de transition pour un changement pacifique du système et préconisé la mise en place d'un gouvernement de transition démocratique et consensuelle, d'une commission indépendante de préparation et de supervision des élections, l'élaboration d'une nouvelle Constitution consensuelle qui passe par la voie référendaire, et l'instauration d'un débat national autour des questions de la corruption et de l'impunité. Ils ont en outre énoncé les bases de leurs activités politiques communes contenues dans leur projet de résolutions politiques, en insistant sur l'impératif de consacrer le principe de la citoyenneté, l'alternance au pouvoir et la nécessité du retour aux principes contenus dans la Déclaration du 1er Novembre. Les partis et personnalités nationales ont souligné en outre la nécessité d'adopter le refus de la violence comme base de toute activité politique ainsi que le principe de dialogue et du refus d'intervention étrangère sous toutes formes, en plaidant pour un pouvoir civil et à éloigner l'institution militaire de la scène politique, et pour concrétiser les principes de séparation des pouvoirs et permettre à la société et aux medias de se développer. L'ancien président de la Laddh, Ali Yahia Abdennour, a estimé que la transition démocratique est la souveraineté du peuple à designer ses représentants au sein des institutions. Or, dit-il, «durant les cinquante dernières années c'est le système politique qui les a désignés». «Ce système a fait trop de mal, il faut qu'il parte», a-t-il affirmé en estimant que le bilan des 50 ans de gestion de ce système est catastrophique. Revenant aussi sur l' élection du 17 avril dernier, il a affirmé qu'elle était «truquée», en remerciant ceux qui l'ont boycottée. Il s'appesantira aussi sur la révision de la Constitution, en affirmant qu'il y a eu 5 révisions depuis l'indépendance et que «chaque président s'est taillé un costume à sa mesure». Abderrezak Mokri, qui a mis en exergue la conjoncture difficile, tant au plan interne qu'externe, de la tenue de cette conférence, a estimé que «la crise que connait le pays est avant tout morale, en raison des pratiques du système, dominées par l'argent sale, et le défi consiste à trouver une solution pour un passage à une société des libertés démocratiques». Pour Mouloud Hamrouche, la tenue de cette rencontre constitue «un rêve qui remonte à un quart de siècle, pour la rencontre des partis de différents courants, sans égard à leurs programmes». Selon lui, il n'est pas utile de retourner au passé pour faire le bilan du système en place, mais il est impératif de se tourner vers l'avenir à la recherche d'une solution, un nouveau consensus national, en mettant à profit différents partenaires, notamment l'armée. M. Hamrouche a ajouté que l'effondrement des institutions de l'Etat a été causé par l'abus de pouvoir et les activités illégales, et décrit «une situation fragile» où «le gouvernement n'est pas à même d'inciter l'administration à appliquer son programme», «faute de base politique», a-t-il estimé. «L'armée est la seule base du gouvernement. C'est là le danger», a-t-il dit encore. Ali Benflis a estimé, quant à lui, que la crise est celle de la légitimité des institutions. Le projet de cette plateforme est la constitution d'un gouvernement de transition et l'élection d'une assemblée constituante qui se chargera de l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Hormis le premier secrétaire du FFS qui reviendra sur les consultations pour la mise en place d'une conférence de l'entente nationale, l'ex-numéro 2 du FIS dissous, a fait état d'une initiative politique qu'il soumettra au pouvoir, alors que Djaballah, qui a dressé un parallèle avec la conférence de Sant'Egidio en 1995, s'est interrogé sur la prise en charge de ses résolutions par le pouvoir. A. R.