La socialisation de la culture tant défendue, attendue et souhaitée est enfin intégrée dans la démarche du ministère de la Culture, pas dans le discours, mais dans l'action de l'institution. La ministre de la Culture, Nadia Labidi, n'y est pas allée par quatre chemins et a demandé clairement aux représentants locaux du ministère, les directeurs de wilayas, qu'elle avait réunis dernièrement, de travailler pour la promotion de la culture de proximité. La ministre ne se limitera pas à donner des directives -ce qui, somme toute, est le plus aisé pour un responsable qui veut donner l'impression de travailler-, mais trace le chemin à suivre : impliquer les professionnels de la culture et la société civile dans l'élaboration de programmes culturels de proximité. Mieux, cette «nouvelle dynamique de proximité» qui doit être enclenchée, devra jouer sur les deux tableaux de la quantité et de la qualité, insiste Mme Labidi. L'objectif assigné est de parvenir à la programmation d'«activités culturelles, artistiques et littéraires de qualité dans les salles de spectacles et les lieux publics», en prenant en considération les attentes, les goûts et les centres d'intérêts des publics, d'où la nécessité de s'appuyer sur tous les agents socioculturels actant et d'ouvrir la scène aux formations et artistes locaux, sans aucune exclusion, aussi bien dans l'élaboration des programmes que dans leur mise en scène et animation. La socialisation de la culture ne pouvant être le fait d'une seule institution, la ministre plaide pour l'intersectorialité, avec l'espoir de voir les secteurs concernés dont le tourisme et la jeunesse joindre leurs efforts aux siens pour travailler de concert à la diffusion du produit culturel qui doit investir la rue et atteindre tous ces «no culture-lands» qu'on trouve aussi bien dans les coins reculés du pays que dans des villages éloignés du chef-lieu de wilaya, voire des banlieues excentrées. De toute évidence, l'engagement volontaire de Mme Labidi pour la socialisation de la culture ne peut qu'être salué. Mais -hélas, il y a souvent des «mais» qui peuvent saborder le travail le mieux élaboré- la réussite repose, d'abord, sur les responsables locaux et dépend autant de leur adhésion à la démarche ministérielle que de leurs aptitudes pour sa concrétisation. Autrement dit, il faut compter avec la «mentalité» de certains responsables qui, considérant qu'ils sont les maîtres à bord, règnent sans partage sur la scène culturelle locale. Tout doit passer par eux et ceux à qui ils concéderaient une petite place, devront passer par où ils voudront qu'ils passent et faire ce qu'ils veulent qu'ils fassent. D'autres, n'ayant aucune imagination ni volonté d'en développer, se suffisent des manifestations festives conjoncturelles qui leur permettront de présenter un bilan bien rempli, sans chercher la qualité ni penser à promouvoir la culture, en encourageant l'éducation culturelle et l'ouverture à d'autres cultures. Dans le lot, il y a, heureusement, des responsables conscients de leur mission et entreprenants, qui essayent d'améliorer l'ordinaire de leurs concitoyens en se mettant à la disposition de tout acteur porteur d'un bon projet ou d'une bonne initiative. Et quand bien même interviendrait le miracle qui fera de tous les responsables locaux des combattants actifs pour la socialisation de la culture, il restera cependant le problème des moyens. Une salle avec une bonne acoustique, un éclairage, une sono et le confort nécessaire, un véritable théâtre, une galerie d'exposition... sont une nécessité incontournable. Or, ces infrastructures ne sont disponibles que dans les grands centres urbains où déjà ils sont en nombre insuffisants. Voilà l'autre défi qui se pose, non plus au ministère de la Culture, mais à l'Etat, s'il veut que la culture soit à la portée de tout Algérien, où qu'il soit. H. G.